Elle, 24 novembre 2008
Par Thomas Jean
Jonas Kaufman, un ténor du tonnerre !
Attention ! Sa voix va vous chavirer, son physique vous faire fondre et sa classe vous affoler... Rencontre avec Jonas Kaufmann, le coffre fort.

Tout pour plaire
Un physique de latin lover, des tenues choisies, un accent qui lui fait rouler les « r » : le ténor bavarois Jonas Kaufmann a tout pour plaire. Un produit joliment marketé avec un coffre un peu vide ? L’idée pourrait nous effleurer tant le garçon brandit ses atouts séduction, tel un champion des charts. Mais ce serait sans compter sur cette voix inouïe, ce timbre de rêve que les plus grands Opéras du monde se disputent et qui devrait le propulser au rang des incontournables. Car il affole le buzz du classique : en plus d’un album délicieux, « Romantic Arias » (Decca), d’un DVD de « Carmen » (Decca) où il campe un Don José caliente, il est la vedette du « Fidelio » de Beethoven, l’opéra le plus trépidant du moment qui débarque pour un mois au palais Garnier.

"Waouh !"
Natalie Dessay ne s’y était pas trompée quand, il y a quelques années, on l’entendit dire à propos de Jonas : « Waouh ! » C’était bien vu. « C’est plaisant ce qu’on dit de mon physique, nous dit l’intéressé. C’est mieux ça que l’inverse, non ? Mais je ne suis pas top model, je suis chanteur, il ne faudrait pas l’oublier ! » On ne l’oublie pas, Jonas, mais, tout de même, un trentenaire qui chante Verdi aussi bien que Pavarotti, le sexappeal en plus, ça nous intrigue ! « Pour le marketing, c’est sans doute très bien, concède-t-il. Mais je cherche à corriger cette image. L’autre jour, en lisant les critiques d’un de mes récitals, j’ai appris que ma chemise n’était pas bien repassée et que mon pantalon était un peu trop long. Rien sur la musique ! Pourquoi ? J’ai sans doute trop privilégié mon apparence. » On observe : le pantalon tombe parfaitement et la chemise est impec. C’est en effet dommage de s’arrêter là. Car Jonas Kaufmann est un chanteur tout-terrain, doté d’une palette de nuances bluffantes : il se balade sur les cimes du répertoire, de Mozart à Puccini, en passant par Bizet, avec une aisance insolente, balayant les critiques des rabat-joie qui lui conseillent de ne pas s’éparpiller. « Ma voix, c’est comme une voiture : si tu restes avec sur l’autoroute, tu fatigues le moteur, si tu roules toujours en montagne, pareil. C’est la variété qui fait du bien. Alors j’ai construit mon album comme une carte de visite qui dirait : ”Voilà ce que je sais faire.“ Et puis je panache : je chante Wagner avec une touche italienne, le répertoire français avec un côté Mozart. » Tout-terrain, on vous dit !

Dieu du lyrique
Carrosserie nickel, certes, moteur d’enfer, soit. Ajoutons que ce ténor- Rolls est un acteur hors pair ! Dans « Fidelio », il sera Florestan, anti-héros secouru par sa femme Leonore. L’occasion pour Jonas d’appliquer deux ou trois préceptes salutaires : « Donner vie à l’histoire en chantant aussi naturellement qu’on parlerait. Au lieu d’un duo, on doit entendre un dialogue. » En face de lui, en Leonore, l’excellente Angela Denoke. Heureusement que Mme Kaufmann, cantatrice elle aussi, n’est pas jalouse, car, de Natalie Dessay à Angela Gheorghiu, notre Jonas est le partenaire des plus grandes. « C’est moi qui devrais être jaloux ! Ma femme chante avec des barytons : les pires ! » On a beau être le nouveau dieu du lyrique, on n’en reste pas moins un homme.






 
 
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