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Forum Opera, 06 Juillet 2015 |
Par Roselyne Bachelot-Narquin |
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Jonas Kaufmann, la sensualité pure
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A quelques jours de Carmen, les 8, 11 et 14 juillet aux Chorégies
d'Orange*, Roselyne Bachelot nous dresse un portrait, forcément amoureux, de
Jonas Kaufmann.
Décembre 2009, sur la scène de la Scala,
Jonas Kaufmann entonne « La fleur que tu m’avais jetée ». Et se produit
alors un phénomène étrange partagé par tous les spectateurs – hommes et
femmes – : nous avons l’impression que du chocolat chaud coule dans nos
veines… Il y a près d’un demi-siècle que je hante toutes les grandes salles
d’opéra, j’ai vibré avec les meilleur(e)s mais jamais je n’ai rencontré ce
pur mélange de beauté, de sensualité et de maitrise vocale.
Définir
ce qui fait du ténor munichois un astre étincelant au firmament de l’art
lyrique relève du panégyrique, mais tant pis. Le réduire à son physique
avantageux serait injuste, cependant ce charme latin donne du « corps » à
ces rôles de séducteurs servis trop souvent par des rondouillards à belle
voix qui vous donnent juste envie de fermer les yeux. Pour autant, notre
ténor n’arrive jamais sur scène en jouant les bellâtres guettant les
pamoisons des admiratrices. Toute sa démarche est marquée par l’intériorité
et il résout parfaitement le paradoxe de Diderot : il est le personnage mais
il reste Jonas. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer son approche de
Lohengrin dans la mise en scène de Neuenfels à Bayreuth et de Guth à Milan.
Le premier en fait un héros ombrageux, le second un gamin immature et
Kaufmann met son charisme au service de deux interprétations antagonistes
qu’il crédibilise également. Quand il parle de son idole Fritz Wunderlich,
il assure que « son cœur parlait à travers sa voix ». On ne peut mieux
définir ce qui fait l’émotion transmise par notre divo assoluto.
Allons à l’essentiel, car je n’ai que trop attendu ! Comment définir cette
voix incomparable qu’on reconnaît dès les premières mesures d’un
enregistrement ? Les habituels grincheux boudent leur plaisir en claironnant
« trop barytonnant » ou « pas assez clair ». Peu importe, cette voix
profonde et sombre envoie une couleur servie par une maîtrise technique peu
commune qui assure des graves enveloppants et une projection parfaite des
aigus. Jonas Kaufmann est dans la tradition des chanteurs allemands qui ont
débuté dans des chorales d’enfants, suivi une solide formation de théâtre et
de musique à l’Ecole de l’Opéra de Munich et frotté leur apprentissage dans
une troupe, en l’occurrence celle du Théâtre de la Sarre, là où il faut
affronter tous les rôles sans jouer les capricieux. Qui, actuellement peut
assurer un Parsifal de légende au Met, triompher dans le Dick Johnson de
Fanciulla del West à Vienne et nous servir des Winterreise bouleversants au
Théâtre des Champs-Elysées ? Le public, où siégeaient bien des réticents
dont certains étaient venus pour le voir se casser la figure, fut
littéralement hypnotisé par le souffle infini, la subtilité des nuances, la
technique d’airain, le contrôle des moindres inflexions.
Le torrent
d’émotion et le trouble brûlant que suscite Jonas Kaufmann seront sans doute
sa signature pour l’éternité lyrique… En cet été 2010, dans le Festspielhaus
de Bayreuth où l’on donnait Lohengrin, j’étais assise aux côtés d’Angela
Merkel. Quand Jonas Kaufmann a débuté, dos au public In fernem Land, j’ai
pensé que nous étions dans ce pays de la beauté pure et sensuelle que seuls
donnent la musique et des interprètes de légende. La chancelière pleurait à
chaudes larmes et sa main a serré la mienne…
P.S. : Non, non, vous
vous trompez, j’ai gardé tout mon esprit critique quand je parle de Jonas…
Seuls les mauvais esprits trouveront que je manque de mesure !
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