La Presse, 1 février 2014
Caroline Rodgers
Jonas Kaufmann: prince des ténors
 
On dit de lui qu'il est actuellement le plus grand ténor. Doté d'une voix et d'un charisme exceptionnels, Jonas Kaufmann collectionne les prix et les éloges. Notre journaliste Caroline Rodgers s'est entretenue avec lui par courriel.
 
Trouvez-vous difficile de vous mettre dans la peau de différents personnages pour un concert d'airs d'opéra, sans le contexte de la mise en scène et des costumes?

Chanter des airs d'opéra en concert représente un défi particulier: on doit raconter plusieurs histoires différentes en peu de temps. Il est hors de question de ne présenter que les airs populaires. Il faut plutôt créer différents personnages et situations. Pour cela, on doit tout faire pour que les spectateurs entrent dans le drame qui se déroule. C'est un peu comme enregistrer un opéra sur disque: on doit aider l'auditeur à imaginer l'invisible.

Vous avez interprété nombre de grands personnages d'opéra: Cavaradossi, Werther, Parsifal. Y en a-t-il un dont vous vous sentez plus proche?

Chaque fois qu'on me demande quel est mon rôle préféré, je réponds la même chose: celui que je chante ce soir. Ce n'est pas une excuse, c'est bien vrai! Même chose pour les compositeurs et les oeuvres. Il y en a trop de magnifiques pour en choisir un seul, ou même pour faire un top 10!

Votre langue maternelle est l'allemand. Quels sont, pour vous, les défis de chanter dans d'autres langues?

Pour moi, le défi de chanter le répertoire français ou italien est de sonner le plus authentique possible et d'être capable de former chaque phrase aussi spontanément que si c'était ma langue maternelle.

Quels sont vos projets musicaux importants cette année?

Je tiens le rôle-titre dans la nouvelle production de Werther au Metropolitan Opera, puis je fais une tournée avec Winterreise et une autre tournée avec des lieder de Mahler. Je fais aussi mes débuts en Des Grieux dans la nouvelle production de Manon Lescaut à Covent Garden, et mes débuts australiens dans Andrea Chénier. (Anmerkung: Andrea Chenier ist nicht in Australien, es handelt sich hier lediglich um einen Übersetzungsfehler des schriftlich gegebenen Interviews)

Vous venez d'enregistrer le cycle Winterreise de Schubert avec Sony Classical. Que représente cette oeuvre pour vous, et comment l'approchez-vous?

Winterreise est une oeuvre majeure du répertoire classique. Pour moi, l'impact émotionnel de ce cycle de lieder est aussi fort que celui d'une tragédie grecque; il porte la même forme de catharsis. Quand Schubert l'a joué à ses amis pour la première fois, ils ont eu un choc. Aujourd'hui, avec toutes les horreurs auxquelles nous sommes confrontés, nous sommes moins sensibles que les gens de l'époque de Schubert. Néanmoins, la dureté de l'oeuvre est encore présente, même pour nous, chanteurs. Mon approche consiste à essayer de saisir tout son éventail expressif, de la phrase la plus intime à l'explosion émotionnelle.

Considérant que vous chantez déjà les plus grands rôles dans les meilleures maisons d'opéra du monde, vous reste-t-il des rêves à réaliser sur le plan professionnel?

En ce qui concerne les maisons d'opéra, j'aimerais chanter au Teatro Colón de Buenos Aires, qui a été louangé par tant de chanteurs pour son acoustique phénoménale. Pour ce qui est des rôles, il y en a trois au sommet de ma liste: Tannhäuser, Otello et Hoffmann.

Jonas Kaufmann et l'Orchestre Métropolitain, sous la direction de Jochen Rieder, devait se produire dimanche, 14h, salle Wilfrid-Pelletier, avant que le concert soit annulé.






 
 
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