|
|
|
|
|
Olyrix, 18/07/2020 |
Par Charles Arden
|
|
Met in HD online: Polling, Opern-Recital, 18. Juli 2020
|
|
Jonas Kaufmann inaugure la série de récitals planétaires en direct
|
|
Le Metropolitan Opera House de
New York restant fermé jusqu'à la fin de cette année 2020, l'institution
organise une série de 12 récitals en paiement à la demande, retransmis en
direct, avec les plus grandes stars lyriques, dans des lieux d'exception :
Cette série "Met Stars Live in Concert" (programme complet des récitals en
bas de cet article) commence par les sommets : le chanteur d'opéra superstar
Jonas Kaufmann interprétant 12 chefs-d'oeuvre parmi les plus grands airs du
répertoire lyrique. 12 airs en français ou en italien, certains parmi les
plus célèbres de tous, d'autres moins connus mais soutenant la comparaison
et tout aussi exigeants vocalement (“O paradis sorti de l’onde” tiré de
L'Africaine de Meyerbeer, “Ah! Tout est bien fini ... O Souverain, ô juge, ô
père!” dans Le Cid de Massenet, “Un dì, all’azzurro spazio” d'Andrea Chénier
de Giordano).
Des exigences vocales que Jonas Kaufmann affronte et
relève pleinement, comme si la vie musicale ne s'était pas tragiquement
arrêtée. Le ténor a certes offert de nombreux concerts depuis le début de
cette crise, avec le pianiste Helmut Deutsch comme pour cette nouvelle
occasion, après le précédent Gala en mondo-vision streaming par New York,
après Munich et Genève, avant Grafenegg et Naples pour un opéra (mais sans
les Chorégies d'Orange).
Jonas Kaufmann enchaîne deux par deux ces
airs (chacun étant un sommet de son opus respectif), s'accordant quelques
minutes de pause, le temps pour la production de diffuser des vidéos
d'archives avec les grands moments du ténor captés sur la scène du Met.
Helmut Deutsch accompagne également au piano, par l'Intermezzo de Manon
Lescaut, une série de diapositives du chanteur. L'ensemble de cette
proposition artistique (vendue 20 $ en pay-per-view pour aider à atténuer la
situation financière catastrophique de l'institution) bénéficie de la même
qualité de réalisation que toutes les productions cinématographiques du Met
(ces récitals seront en effet réalisés par le director des retransmissions
Met Live in HD, Gary Halvorson). La présentation faite par Christine Goerke
et le Directeur Peter Gelb depuis la régie satellite à New York, toute la
vidéo enchaîne les plans impeccables, caméras fixes ou sur rails, et bien
entendu un travail de réalisation acoustique et sonore.
Berceau de
cette captation, l'Abbaye gothique devenue baroque rococo à Polling (en
Bavière, non loin de la Munich natale de Kaufmann) offre ses stucs comme
reflets et volutes de résonances au piano et à la voix. Le soliste ouvre
d'emblée par les deux grands airs de ténor dans Tosca, l'amour du premier
acte, la condamnation tragique au troisième et dernier ("Recondita armonia"
- "E lucevan le stelle"). Il finira le récital par le sommet, également de
Puccini, “Nessun dorma” de Turandot.
Du début à la fin, le chant
n'est qu'intensité et passion, celles de ces opus et celles de ces tragiques
circonstances pandémiques se renforçant mutuellement. Chaque parole semble
aussi pleurer cette tragédie sanitaire : "pourquoi faut-il que le destin
l'ait mise là sur mon chemin", "Ah lève-toi soleil", "Recondita armonia'
(Harmonie cachée), "E lucevan le stelle" (Les étoiles brillaient), "E' la
solita storia, Vorrei poter tutto scordar" (C'est l'histoire solitaire...je
voudrais pouvoir tout oublier), etc.
Tout comme sa prosodie
italienne, son français est remarquable (seuls manquent quelques
articulations de phonèmes parmi les plus complexes, comme espoir) rendant en
effet inutile un doublage dans la langue d'origine (le sous-titrage est en
anglais). Le regard au loin, mais bientôt presqu'exorbité d'intensité, le
chanteur offre sa couleur vocale typique mêlant médium-aigu barytonné et
tubé couvert. Il assume pleinement la puissance constante et extrême qu'il
convoque, tous les sommets superlatifs de ces airs lyriques (ainsi ces
"paraît paraît" de Roméo, à deux reprises) sans rien ôter de la "pureté
charmante" sur "l'astre" qui suit (Juliette).
L'aigu est puissant, ou
soulevé, ou l'un suivant l'autre dans le même souffle ("et j'étais une chose
à toi"), l'autre suivant l'un ("Carmen je t'aime"), ou l'un-l'autre-et-l'un
avec messa di voce (conduite de voix) du piano délicat au forte déployé et
de retour au piano recueilli. Le décrochement dans l'aigu, maîtrisé
d'émotion et ce dévouement vocal, n'engendre qu'un déraillement ("parle pour
elle") puis l'amorce de quelques-uns pour “Cielo e mar” qui se resserre mais
se déploie toujours autant, avant de finir également en apothéoses.
Le concert se referme sur les sommets, la vision fatale qui tant et tant
blessa hélas, est d'une terrible puissance dramatique et comme le dit
Christine Goerke en conclusion, nul ne dormira après ce "Nessun dorma".
Jonas Kaufmann conclut cet événement en joignant le geste à la parole :
soutenant l'appel au don, il annonce qu'il offre lui-même 5000 $ pour
soutenir l'art et les artistes.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|