Resmusica, 2.12.2020
par Patrice Imbaud
 
Puccini: La Bohème, Bayerische Staatsoper, 27.11.2020 (im Internet-Stream ab 30.11.2020)
 
Une Bohême « de luxe » à Munich, avec Jonas Kaufmann et Rachel Willis-Sørensen
Après Otello dans le répertoire dramatique, Jonas Kaufmann revient au répertoire lyrique avec Rodolfo dans La Bohême de Puccini au Bayerische Staatsoper, dans une reprise de l’ancienne production d’Otto Schenk qui donne aujourd’hui l’occasion à Rachel Willis-Sørensen de faire ses débuts à Munich dans le rôle de Mimi.

La mise en scène efficace d’Otto Schenk affiche un classicisme de bon goût : pas de transposition hasardeuse, une lecture au premier degré qui rend justice aux Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger en s’appuyant sur une scénographie réaliste aux décors soignés dépeignant parfaitement le Paris du XIXᵉ siècle en quatre tableaux bien caractérisés depuis l’emblématique mansarde jusqu’à la barrière d’octroi sous la neige, en passant par le festif café Domus. Le jeu d’acteur, millimétré, convainc de bout en bout, en alternant avec subtilité et intelligence scènes comiques (impayable Benoit de Christian Rieger) et scènes dramatiques dont l’acte final constituera le sommet. Seuls signes des temps troublés que nous vivons actuellement, la réduction des effectifs sur scène et notamment des chœurs dans les scènes de foule de l’acte II et un serveur masqué à la terrasse du café Domus !

Le casting vocal de premier ordre, particulièrement homogène, est dominé par la prise de rôle très éloquente de Rachel Willis-Sørensen (Mimi) : puissance d’émission, ligne de chant joliment nuancée, fluidité dans le « parlar cantando », longueur de souffle, vibrato bien contenu et ambitus étendu répondent à un Jonas Kaufmann (Rodolfo) au timbre un peu sombre, qui impressionne par sa facilité vocale dans tous les registres, comme par l’émouvante fragilité de ses aigus filés, faisant du duo d’amour très romantique de l’acte I un moment d’intense émotion. Face à ce duo réuni pour la première fois au Bayerische Staatsoper, le solide Marcello (Andrei Zhilikovsky) et la piquante Musetta (Mirjam Mesak) ne déméritent pas, tant par leur stature vocale que par leur engagement scénique. Schaunard (Sean Michael Plumb) séduit à chacune de ses courtes interventions, tandis que Colline (Tarek Nazmi) négocie avec beaucoup de naturel et d’humilité son air célèbre du manteau à l’acte IV. Avec un tel casting on ne s’étonnera pas de la qualité des ensembles vocaux dont le magnifique quatuor de l’acte III. L’agonie de Mimi constitue indiscutablement le climax de cette lente progression dramatique, instant clé où tout se conjugue : jeu d’acteur, voix et orchestre pour nous tirer les larmes…

Dans la fosse, l’orchestre de l’opéra de Munich conduit avec maestria par Asher Fisch participe également de la qualité de cette production par sa dynamique enlevée comme par son phrasé très narratif et coloré qui donne vie, par son foisonnement de timbres, aux différentes ambiances et suit de façon très réactive toutes les inflexions de la dramaturgie.

Au plan technique, on signalera la qualité de la prise de son bien équilibrée et une captation visuelle particulièrement efficace alternant vues d’ensemble et gros plans d’acteurs.

Un magnifique moment d’opéra, à voir et à revoir sur le site du Bayerische Staatsoper.













 
 
  www.jkaufmann.info back top