|
|
|
|
|
Concert Classic |
François Lesueur |
|
Wolf: Italienisches Liederbuch, Paris, 14. Februar 2018
|
|
DIANA DAMRAU ET JONAS KAUFMANN À LA PHILHARMONIE – UN ITALIANISCHES
LIEDERBUCH SCÉNARISÉ
|
|
Hasard des calendriers, Diana Damrau et
Jonas Kaufmann (photo), majestueusement accompagnés par Helmut Deutsch,
étaient de passage à la Philharmonie le jour de la Saint-Valentin pour une
soirée inscrite dans la saison des Grandes Voix. Une date toute trouvée pour
des interprètes qui promènent l'Italienisches Liederbuch de Wolf dans une
version étrangement scénarisée. Hormis le premier lied « Auch kleine Dinge »
et l’ultime « Ich hab'in Penna », tous deux confiés à la soprano, l'ordre
originel des morceaux a été entièrement revu – ce qui n'est pas un crime en
soi, mais qu'en aurait pensé Wolf ?... – afin de permettre aux chanteurs de
« jouer » différentes situations amoureuses. Le couple se donne donc la
réplique passant des premiers émois à la passion la plus vive, alternant
d'inévitables phases de doute, de reproches voire de querelles, ou de
moqueries pour finir sur la provocante énumération des amants que possède la
jeune femme dans toute l'Italie. Ainsi réaménagé, le cycle censé être plus
accessible n'en reste pas moins un recueil musicalement exigeant, que les
minauderies de l'une et les facéties de l'autre ne parviennent que
partiellement à alléger.
Surjouant l'agacement, la pudeur,
l'impatience ou la coquetterie, Damrau, avec son ballet d'étoles aux
couleurs changeantes, devient vite insupportable de cabotinage, Kaufmann
habituellement plus subtil frôlant parfois le ridicule avec ses airs
faussement complices et ses œillades appuyées alla Nemorino. La musique
de Wolf divinement sentie et interprétée par Helmut Deutsch, véritable
magicien des sons et des atmosphères, permet heureusement d'oublier ces
pantomimes et de revenir à l’essentiel.
La voix pointue de Diana
Damrau n'est pas des plus sensuelles, ni des plus onctueuses dans un
répertoire qui demande une grande finesse d'expression et un éclairage
musical de chaque instant. Elle tient à peu près son rang grâce à une
diction nette et précise, à quelques phrasés de bon goût et à une ligne de
chant maîtrisée soutenue par de belles réserves de souffle ; les amateurs de
sous-texte et de lecture plus sophistiquée (comme autrefois Irmgard
Seefried), ou plus intellectuelle (Schwarzkopf) resteront sur leur faim,
notamment dans le très disharmonique « Wie lange schon », le corrosif « Du
sagst mir dass ich keine Fürstin sei », ou le mélancolique « Ihr jungen
Leute ».
Dépouillé des artifices de la scène, Jonas Kaufmann en lieu
et place de l'habituel baryton attendu dans ce cycle marqué par Dietrich
Fischer-Dieskau, trouve en cours de récital ses marques et les codes propres
aux grands récitalistes. Son instrument sombre et moelleux, sa belle gamme
de nuances et un chant très intériorisé assurent à sa prestation vocale une
dimension poétique qui fait défaut à sa partenaire. Très à l'aise avec ces
histoires d'amour miniatures dépeintes dans cette anthologie de poèmes
toscans et vénitiens, le ténor parvient à surprendre l'auditoire par son art
de la couleur, de la demi-teinte et du pianissimo ; à ce titre son « Wenn
du, mein Liebster steigst zum Himmel », laissé traditionnellement à la
soprano, chanté sur un fil de voix était tout simplement envoûtant.
Déluge d'applaudissements, fleurs, cadeaux et, pour conclure cette soirée
inégale, un unique bis, de Schumann cette fois : le duo « Unterm Fenster ».
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|