|
|
|
|
|
ConcertoNet |
Claudio Poloni |
|
Wagner: Parsifal, Bayerische Staatsoper, ab 28. Juni 2018
|
|
Quand musique et peinture font bon ménage
|
|
Si elle a fait l’unanimité, ou presque,
pour sa partie musicale et vocale, la nouvelle production de Parsifal qui a
ouvert le festival d’opéra de Munich 2018 a divisé les esprits pour sa
réalisation scénique, allant jusqu’à susciter des réactions violentes d’une
partie du public. La raison de ce mécontentement tient aux décors réalisés
par le peintre Georg Baselitz. Le célèbre artiste allemand est connu pour
ses corps déformés et désincarnés, souvent la tête à l’envers. Au début de
chaque acte, des toiles peintes d’avant-scène permettent d’ailleurs au
public de découvrir ses personnages, identifiables entre tous. Le premier
acte se déroule dans une forêt sombre, peuplée de troncs calcinés et de
carcasses d’animaux. On se croirait après un cataclysme ou une catastrophe
nucléaire, dans une ambiance glauque et mortifère. Le troisième acte se joue
dans le même décor, mais les arbres ont cette fois leur pointe à l’envers.
Pour l’acte II, le château de Klingsor est évoqué par une toile blanche
couverte de lignes noires, qui s’affaisse lorsque le magicien perd ses
pouvoirs.
Les chevaliers du Graal sont habillés de vêtements tout en
rondeurs, qui leur donnent des formes de bonhomme Michelin. A la fin de
l’acte I, au moment de la cérémonie du Graal, les chevaliers se déshabillent
pour laisser apparaître des corps gras et flasques. Un tel traitement peut
sembler paradoxal, puisque le Graal est synonyme de régénération, mais la
scène est saisissante lorsqu’on découvre ces corps dépouillés, dans leur
plus simple appareil, qui semblent comme revenus à leur état originel. Les
filles-fleurs du deuxième acte ont des seins énormes et des fesses
rebondies, là encore la chair sous ses formes les plus primitives comme arme
de séduction. Dans ces décors troublants mais puissamment évocateurs, le
metteur en scène Pierre Audi semble s’être borné à donner quelques
indications de mise en place car tout est très statique ici, le futur
directeur du Festival d’Aix ayant choisi d’être en retrait par rapport à
Baselitz.
Au rideau final, c’est le chef Kirill Petrenko qui a été le
plus applaudi. Des applaudissements amplement mérités, tant sa direction est
magistrale. Dès les premières notes, on est ébloui par sa lecture posée et
majestueuse, en même temps sereine et lumineuse. Certes, ce Parsifal perd
ainsi un peu de son mystère, mais quelle clarté, quelle transparence, quel
souci du moindre détail. Et pourtant, ce qu’on retient avant tout, c’est la
tension dramatique extrême qui se dégage de la fosse, prouvant, si besoin
est, que Kirill Petrenko est un formidable chef d’opéra. Qui plus est, le
maestro porte chacun des chanteurs, aucun d’entre eux n’ayant besoin de
forcer.
Le plateau vocal réuni à Munich semble difficilement
surpassable aujourd’hui. Si l’on n’attendait pas forcément Christian
Gerhaher – plutôt adepte du lied – en Amfortas, force est de reconnaître que
son incarnation est tout simplement bouleversante, ses cris de douleur
lancinants provoquant des frissons. René Pape campe un Gurnemanz d’une
profonde noblesse, avec une belle autorité vocale. Nina Stemme réussit à
donner à Kundry toute l’ambivalence du personnage, avec une voix d’une
puissance inouïe, mais capable aussi de splendides nuances. Le timbre sombre
de Jonas Kaufmann convient parfaitement à Parsifal, le chanteur se révélant
un magnifique heldentenor dans le deuxième acte, sachant également envoûter
par de splendides pianissimi. Et pour ne rien gâcher, Wolfgang Koch est le
plus terrifiant des Klingsor.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|