Opera Online
Traduction libre de la chronique en allemand d'Helmut Pitsch
 
Wagner: Parsifal, Bayerische Staatsoper, ab 28. Juni 2018
 
Festival d’Opéra de Munich : un nouveau Parsifal de nuit et d’étoiles
L’ouverture du Münchner Opernfestspiele, le Festival d’Opéra de Munich, était tout particulièrement attendue cette année, puisqu’elle est marquée par une nouvelle production de Parsifal, de Richard Wagner. La mise en scène en est confiée à Pierre Audi, actuellement à la tête de l’Opéra d'Amsterdam depuis trente ans et qui doit maintenant prendre la direction du festival d’Aix-en-Provence. Il situe l’action dans une ambiance aux allures apocalyptiques. Pour poser cette atmosphère, il s’appuie notamment sur Georg Baselitz, artiste célèbre et réputé en Allemagne du haut de ses 80 ans, qui signe ici le design de la scène sur fond de décor composé de vastes toiles peintes.

Arbres décharnés et squelettes ornent le premier acte, un rideau noir et blanc figure un mur délabré au deuxième – le château de Klingsor où vagabondent les filles-fleurs, mais sans jardin magique et affublées de costumes couleur chair figurant une nudité de corps flasques –, et dans le troisième actes, les arbres osseux semblent comme suspendus depuis les cintres. Typique du travail de l’artiste, les motifs du décor sont souvent représentés à l’envers, tête en bas, comme pour symboliser la corruption et la tentation de chacun des protagonistes, à l’exception du pur et innocent Parsifal, tête haute. Et entre chaque tableau, la scène n’arbore que des rideaux noirs, ponctués de motifs torturés.

La direction d’acteurs est ici limitée à une portion congrue, se faisant à peine sentir durant quelques subtils moments. Le plus souvent, les interprètes restent statiques et chantent à la rampe. Dès lors, la costumière Florence von Gerkan peut ici tirer son épingle du jeu en signant des costumes imposants et omniprésents. Les Chevaliers du Graal sont affublés d’armures médiévales et de lourds manteaux qu’ils abandonnent dans le cadre de la cérémonie du Graal, pour dévoiler le même costume, ersatz de nudité décatie et grotesque que les filles-fleurs un peu plus tôt. Tout au long de la soirée, l’esthétique est loin d’être engageante (comme symbole de cette longévité (mal) prolongée et de la corruption qui gangrène un monde torturé) et le sens de la mise en scène s’avère aussi souvent nébuleux.

Reste alors le plateau vocal pour sauver une soirée porteuse de nombreuses promesses. Et force est de reconnaitre qu’une distribution de stars constelle cette production nocturne et particulièrement sombre. Principale attraction pour le public local, Jonas Kaufmann (qui vit à Munich) interprète ici le rôle-titre qu’il connait bien mais qu’il chante pour la première fois sur la scène munichoise. Son ténor sombre et élégant surmonte les difficultés et les hauteurs du rôle, avec aisance. Manifestement libre et serein, il dévoile un héros empreint de pitié et de compassion. Sans doute aussi l’une des triomphatrices de la soirée, Nina Stemme évite soigneusement les difficultés dramatiques qu’on sait redoutables pour la voix et pare sa Kundry d’intenses accents lyriques. René Pape étincèle dans le rôle de Gurnemanz, riche de nuances et ses longs monologues embarquent l’auditoire dans de passionnants récits. Que ce soit aux côtés des Chevaliers du Graal, ou de Parsifal et Kundry, il sait trouver le ton juste entre rigueur et chaleur. Rarement chanteur aura été si présent et polyvalent. Christian Gerhaher parvient aussi à doter son Amfortas d’un tempérament particulier. Il dénonce son douloureux destin d’une voix aristocratique, dans une articulation parfaite, pour projeter de grandes lignes mélodiques ouvertes.

Enfin grâce à la direction subtile et équilibrée de Kirill Petrenko (qui récolte des ovations enthousiastes lors des saluts), les chanteurs bénéficient d’une grande liberté créatrice. L’orchestre évolue ainsi dans le plus délicat piano et laisse entendre une musique à la fois sûre et bien préparée, comme le démontrent les solos d’instruments... Il est rare que l'orchestre rugisse et s’élance à plein régime, ponctuant même la soirée de nombreuses longues pauses délibérées, qui contribuent à maintenir la tension dramatique. Et inexorablement, l'orchestre coule vers la rédemption et fait se répercuter la musique dans l'espace cosmique. Au terme de la soirée, un calme détendu s’impose pendant un long moment avant que le public ne réserve une tempête d’applaudissements aux artistes... ponctués néanmoins par des huées sans doute exagérées adressées au metteur en scène et au scénographe, pour leur interprétation provocante de l’œuvre de Wagner.










 
 
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