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Le Figaro, le 11/10/2017 |
Par Christian Merlin |
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Verdi: Don Carlos, Paris, 10. Oktober 2017
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Cherche Don Carlos désespérément
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Fade et souvent trop timorée, la version
du grand opéra à la française de Verdi servie par Warlikowski aurait mérité
plus de panache.
Mais que s'est-il passé? Quand on choisit Krzysztof
Warlikowski pour une nouvelle production à l'Opéra Bastille, on attend du
metteur en scène un spectacle qui porte sa marque, celle d'une radicalité
qui vous bouscule durablement et vous confronte sans concession à la
violence des sujets traités. Celle d'un foisonnement d'imagination qui
renouvelle votre perception d'une oeuvre. Et là? Rien.
C'est à peine
croyable. A-t-il manqué de temps? A-t-il été paralysé par l'enjeu d'une des
productions les plus attendues de tout le mandat Lissner? L'oeuvre ne lui
a-t-elle pas parlé? At-il eu peur de bousculer la brochette de stars réunie?
Un Carlos suicidaire qui revit aujourd'hui son histoire dans une salle de
musée où est exposé un buste du Philippe II historique: poncif aussi éventé
que le théâtre dans le théâtre. Une salle d'escrime pour les suivantes de la
Reine? Soit, mais l'idée n'est pas exploitée.
Sage et conventionnelle
Si l'on nous avait dit un jour que Warlikowski donnerait dans le
décoratif! La direction d'acteurs, sa grande force? Sage et conventionnelle,
immobile dans les solos. Eboli étendue auprès du roi pour faire comprendre
qu'ils ont couché ensemble? Peter Konwitschny y avait pensé à Vienne en
2004. La confrontation entre Philippe II et le Grand Inquisiteur, l'une des
scènes les plus fortes de toute l'histoire de l'opéra? Une banale
conversation bourgeoise. Restent des tableaux vivants aux espaces
symétriques et bien dessinés, faciles à reprendre et pouvant devenir une
production de répertoire. Dans ce cas, on n'avait pas besoin de Warlikowski.
Les huées qui l'ont accueilli ont-elles voulu sanctionner cette tiédeur? Si
non, elles sont incompréhensibles aussi car, entre nous, il n'y a pas de
quoi fouetter un chat!
Si l'on nous avait dit un jour que Warlikowski
donnerait dans le décoratif !
Dépité, on se reporte sur la fête des
voix. Jonas Kaufmann? Comme on y est désormais habitué: musical, subtil,
capable de nuances qui ne sont qu'à lui, mais prudent, sur ses gardes,
attentif à négocier sans dégâts les passages exposant une voix fragilisée.
Sonya Yoncheva? Un chant opulent, voluptueux, glorieux à quelques menus
écarts de justesse près. Elina Garança? Une Eboli idéale par l'alliance d'un
style aristocratique, d'une technique parfaite et d'une tessiture égale sur
toute l'étendue. Ludovic Tézier? La très grande classe, voix noble et
puissante, pleine d'harmoniques, insolemment projetée, même si elle évolue
aujourd'hui vers un héroïsme presque surdimensionné pour le rôle de Posa.
Ildar Abdrazakov? Le Roi de la version italienne lui aurait mieux convenu,
sa maladresse en français affectant malheureusement sa ligne de chant et son
articulation. L'occasion de noter que les autres se montrent au contraire
très scrupuleux à cet égard. Un Inquisiteur sonore mais sans fa grave
(Dmitri Beloselski), un Moine luxueux (Krzysztof Baczyk), un Page de premier
ordre (Eve-Maud Hubeaux) complètent un plateau classe A.
La direction
de Philippe Jordan oublie toute référence italienne, pour ce véritable opéra
français qu'est la version originale du Don Carlos en cinq actes, la plus
belle, enfin revenue au répertoire de l'Opéra de Paris (merci Stéphane
Lissner!). Il joue la carte de la clarté sans pathos, du tranchant
dégraissé, faisant ressortir des détails instrumentaux ciselés grâce à un
orchestre et à un choeur affûtés. On est à la limite de la froideur, mais
c'est en phase avec une soirée en clair-obscur.
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