Resmusica, 29 mars 2017
Alain Attyasse
 
Giordano: Andrea Chenier, konzertant, Théâtre des Champs-Elysées, Paris, 26. März 2017
 
Andrea Chénier au TCE : cinéma 3D
Andrea Chénier est loin d’être une œuvre trop représentée en France : peu de productions scéniques et les versions de concert ont le risque de faire perdre la tension dramatique intense qui est une des raisons de succès pour cet opéra. C’est dire l’importance du chant dans la réussite de cette soirée au Théâtre des Champs-Élysées.

Une mise en espace rapide permet aux chanteurs d’évoluer au gré des entrées et sorties qui paraitraient autrement intempestives. En quelques coups d’œil, et sans un théâtralisme vulgaire, l’action progresse jusqu’au duo final, cheval de bataille des duos d’amour.

En premier lieu, Anja Harteros : sa voix est suave et la maîtrise de celle-ci est épatante sur toute la longueur. L’émission est large, libre jusque dans les aigus et la chanteuse réalise des sons filés admirablement tenus. Elle incarne une femme altière, pas nécessairement aristocrate, mais s’ouvrant à la voix de l’amour, ce « romantique » un rien reproché par la Comtesse de Coigny au premier acte.

Évidemment, Jonas Kaufmann, qui fait se déplacer les foules rien qu’à son nom, est attendu. C’est un très grand ténor de son temps et l’on connaît son art du legato, sa facilité à alléger son timbre (le Lohengrin récent en témoigne), mais un rôle italien si marqué par les gloires du chant de la fin de la seconde moitié du XXe siècle est cruel tant la comparaison peut lui être défavorable. Peut être est-ce une méforme passagère, mais les moments éclatants sont de plus en plus ternes au fur et à mesure de la soirée. Un « Di all’azzurro spazio » est d’un belle matité dans l’émission, mais les choses commencent à devenir plus compliquées pour ce beau timbre de bronze dans le duo de l’acte II et on craint le naufrage dans l’acte III (« Si, fui soldato »). On perçoit la prudence dont le chanteur fait preuve pour ne pas sombrer, mais c’est préjudiciable tant on espère une jouissance vocale dans ce rôle. Dans tous les cas, Jonas Kaufmann est un chanteur intelligent qui sait mener sa monture et arrive en fin de soirée à donner l’impression d’avoir dépeint la mélancolie et la vaillance du poète (interprétation captée d’ailleurs en DVD).

Luca Salsi remporte un franc succès dans le rôle de Carlo Gérard, avec la générosité des grands barytons qui attirent une sympathie infinie pour le rôle d’un homme qui aime jusqu’à en perdre l’objet de son amour. Il faut noter la très belle prestation de Doris Soffel en Comtesse de Coigny et d’Elena Zilio en Madelon dont les lambeaux vocaux sont splendides dans la tenue.

Enfin, la direction d’Omer Meir Wellber donne une illustration très symphonique de l’œuvre et offre une attention soutenue au souffle et au volume des chanteurs, gardant de fabuleux élans pour le soyeux des cordes.

Bien qu’à l’origine ce spectacle soit mis en scène par Philipp Stölzl à l’Opéra de Munich, la version de concert ne semble en rien dépareillée tant les illustrations vocale et orchestrale en donnent une narration quasi-cinématogaphique.






 
 
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