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Altamusica |
Vincent GUILLEMIN |
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Puccini: Tosca, Bayerische Staatsoper, 25. Juni 2016
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Une Tosca de stars
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Reprise de Tosca de Puccini
dans la mise en scène de Luc Bondy, sous la direction de Kirill Petrenko à
l’Opéra de Munich. |
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Partagée par Munich, New York et Milan, la mise en scène de Tosca du
regretté Luc Bondy sert chaque saison aux plus grandes stars. Anja Harteros
et Jonas Kaufmann retrouvent cette production accompagnés du Scarpia de Bryn
Terfel et du directeur musical maison, Kirill Petrenko, dans une direction
forte en contrastes et qui a évolué par rapport à sa prestation précédente.
Le décor de briques rouge de Richard Peduzzi créé au Met en 2010 puis à
Munich dans la foulée ne masque plus le parfait classicisme de la production
de Tosca de Luc Bondy, jusqu’à Vissi d’arte débuté allongé, comme l’aura
validé Puccini, où l’héroïne n’est pas ici à terre mais avachie sur un
canapé, pour la modernité. Bien que la patte et le mobilier proviennent
forcément des dernières décennies, rien n’a changé, et l’on revoit la
peinture en cours au I, le salon au II et une scène presque vide avec des
escaliers d’où se jeter au III.
L’attraction ne vient plus du
contenant, mais du contenu, avec ce soir une distribution abandonnant sur le
parvis de la Bayerische Staatsoper nombres de désillusionnés. Anja Harteros
d’abord, qu’on sait si discrète, reprend le flambeau toujours convoité de
Maria Callas. La Grecque réussit presque tout, surtout dans les ensembles et
duos où le bas-médium rappelle son aînée ; l’italien énigmatique ne pose
aucun problème à la finesse des piani du premier aria, et manque tout juste
de lui faire perdre appui sur la deuxième phrase de Vissi d’arte. Seuls les
plus difficiles regretteront un manque de sensibilité dans le chant et une
mort venant de la gorge plus que du cœur.
Jonas Kaufmann, fraîchement
revenu de sa tournée parisienne et du Mario Cavadarossi de Vienne, trouve en
Harteros une partenaire idéale, totalement en accord dans la technique de
chant, de la gestion du volume à celle de la mezza-voce. Dans un des rôles
qui lui convient le mieux, le ténor tient tout le I sans jamais forcer et
déconcerte par la facilité de son air d’entrée. Chanté sur la réserve avec
un style et un raffinement qu’il est seul à posséder, E lucevan le stelle
est fondu dans la représentation et ne permet pas au public d’applaudir
ensuite, évitant de casser la dynamique jusqu’à la scène finale.
Pour
l’accompagner, le Scarpia de Bryn Terfel retrouve la scène de Munich quelque
peu fatigué. Le baryton-basse n’y développe pas les graves mais reste dans
l’atmosphère du plateau, avec un chant d’une intelligence très maîtrisée.
Christoph Stephinger campe à ses côté un Sacristain chaud et dynamique,
tandis que les autres rôles sont excellemment tenus par l’ensemble maison :
Goran Jurić dans un Angelotti projeté et engagé pour sa première scène,
Christian Rieger et Kevin Conners dans des Sciaronne et Spoletta bien
présents.
Nouvelle star à ses dépens, Kirill Petrenko revient à Tosca
après une prestation marquée deux saisons plus tôt par la fluidité et la
clarté des timbres. Sa technique a encore évoluée vers une maîtrise
d’orchestre qui touche maintenant au génie, tant par la capacité à faire
ressortir chaque contraste que par celle à concentrer d’un coup la force
d’une note ou d’une phrase. Il gère tous les départs du plateau et
accompagne le chœur avec des explosions de groupes, comme dans le Te Deum du
I, mais ramène toujours la focale sur la fosse. Celle-ci devient entité
autonome, presque à part entière, pour laquelle une direction très appuyée
stimule chaque mesure, au risque de laisser en suspens lyrisme et
inspiration globale.
Sous lui, l’Orchestre de la Bayerische
Staatsoper ne possède pas l’italianité du Carlo Felice ou de la Scala, ni la
souplesse de Covent Garden ou Vienne pour aller chercher ce type de
sonorités. C’est donc empli de germanisme et dynamisé par une lecture
surprenante dans la gestion des équilibres et la mise en avant des
contrepoints qu’il s’enfonce dans la partition, quitte à rappeler par la
brusquerie des contrastes et la mise en valeur des bois et des violoncelles
ce qui a donné tant de personnalité aux symphonies de Mahler. On pense tout
particulièrement à la Résurrection, que l’on croit entendre à chaque vibrato
des cordes graves dans la scène de Sciaronne. D’aucuns pourraient ne pas
aimer, au risque d’être alors bien seul face à la masse applaudissant encore
à tout rompre plus de quinze minutes après la fin de la représentation.
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