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Altamusica, 02 juin 2016 |
Vincent GUILLEMIN |
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Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg, Bayerische Staatsoper, 29. Mai 2016
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Des Maîtres de référence ?
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Nouvelle production des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner dans une mise en scène de David Bösch et sous la direction de Kirill Petrenko à l’Opéra de Bavière. |
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Dans l’emblématique Bayerische Staatsoper de Munich, une nouvelle production
des Meistersinger était attendue depuis longtemps. Si la distribution tient
largement le niveau et attire grâce à la présence des invités Jonas Kaufmann
et Sara Jakubiak, la mise en scène de David Bösch déçoit et la direction de
Kirill Petrenko interroge sur la nouveauté en art.
Pour sa deuxième
mise en scène wagnérienne de la saison après le Vaisseau fantôme à
Francfort, David Bösch inscrit volontairement l’action dans la société
contemporaine, avec pour décor (Patrick Bannwart) deux HLM s’écartant au
besoin pour laisser la place à l’historique joute musicale. Un ring de boxe
apparaît à l’occasion et la joute du III est présentée sur grand écran avec
portraits géants des concurrents, image déjà vue dans d’autres productions.
Si l’idée communautaire transposée dans une cité pouvait paraître
intelligente, elle retombe rapidement en raison des costumes de Meentje
Nielsen, mélange d’habits bavarois revisités à la mode dark pour les femmes
et de tenues de tous les jours pour les hommes, dont Jonas Kaufmann en
perfecto, jeans et baskets, façon crooner en mal de succès.
De
réflexion sur l’art on ne trouvera nulle trace, de rapports passionnés entre
Eva et Walther ou protecteurs entre Walther et Sachs on ne saura rien non
plus. Le sentiment que Bösch ait essentiellement voulu appuyer sur les
accents comiques de l’ouvrage peine à convaincre quand on rit à peine à un
gag sur dix, même lorsque Beckmesser doit s’essayer au chant en haut d’une
cage de chantier ou que l’acteur Kaufmann se trémousse tant bien que mal sur
une chaise électrifiée.
En décalage avec ce travail grossier, la
finesse de Kirill Petrenko fait reflet, mais bloque également sur la
partition de Wagner en évitant de trop s’y installer. Comme toujours avec le
chef russe, la tenue de l’ensemble impressionne, la continuité dramatique
permanente bénéficie d’une incroyable clarté globale, dans laquelle chaque
instrument reste à la fois intégré et individualisé dans la masse. On
découvre alors des sonorités inédites et des doublures de vents très
identifiées et toutefois fondues sur un même accord.
Pourtant, cette
approche dramatique idéale dans Richard Strauss semble parfois en
contradiction avec la partition wagnérienne et ses motifs. Ainsi, aucune
noirceur ni tension n’affleure à l’arrivée du Veilleur de nuit, malgré la
voix bien assise de Tareq Nazmi. Idem pour les deux premières scènes du II,
enchaînées avec la même intimité pendant vingt minutes sans jamais lier
instruments et leitmotivs avec les personnages. Le III accentue la
problématique, d’abord par un prélude sans profondeur, puis par un interlude
de Sankt Krispin fuyant tout caractère exalté et passant à côté des
penchants festifs de l’œuvre, à l’instar de tout le Finale.
S’il peut
sembler ici qu’on veuille défendre la tradition face à l’art nouveau,
rappelons que la nouveauté a aussi ses effets de mode, et si le directeur de
la Bayerische Staatsoper n’en est clairement pas un, le son inédit qu’il
produit peut surprendre au premier abord sans marquer à long terme.
Sur le plateau, la qualité globale de la distribution reflète le niveau
d’une des plus belles maisons au monde. Les maîtres ouvrent peu la bouche,
mais sont toujours très justes. Markus Eiche joue un Beckmesser plaisant et
crédible, notamment dans les deux airs où il fait exprès de ne pas être
parfait. Wolfgang Koch manque de profondeur dans les graves mais porte son
texte avec intelligence, tandis que son élève Benjamin Bruns (David)
passionne par l'esprit du chant et par le timbre.
Okka von der
Damerau (Magdalene) répond avec éclat à la voix agréable de Sara Jakubiak,
dont la prononciation pour Eva s’est nettement améliorée par rapport à ses
Marietta et Agathe des derniers mois, sans être encore suffisante pour un
ouvrage dans lequel la compréhension du texte prime. Le Walther de Jonas
Kaufmann ravit par le naturel et le charisme en scène, sans développer
d’abord son chant à outrance, pour mieux le déployer au III dans un contrôle
de la mezza-voce toujours aussi parfait. Cela impressionne à défaut de
totalement passionner, et questionne sur cette soirée dont la qualité ne
suffit pas à compenser les défauts pour rester gravée comme une référence.
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