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Forum Opera, 03 Août 2016 |
Par Guillaume Saintagne |
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Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg, Bayerische Staatsoper, 28 juillet 2016
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Les Maîtres chanteurs et leurs fans
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Longtemps les Meistersinger nous ont semblé longs. Nous espérions
sincèrement que l’équipe réunie par le Bayerische Staatsoper réussirait à
nous faire oublier les prolixités du premier acte et l’inutilité dramatique
du deuxième. Cela ne fut pas le cas. Une proximité plus grande avec la
langue allemande permettrait peut-être de ne pas se sentir tenu à l'écart du
chef-d'œuvre vanté par beaucoup. Cette mise à l'écart, on la doit d'abord à
David Bösch. Sa mise en scène utilise ici la même esthétique que pour son
très réussi Orfeo de Monteverdi sur cette même scène. Transposé dans une
banlieue pauvre et grise des années 80, son propos semble chercher une
poésie pasolienne totalement incompatible avec le flot verbal et musical
surabondant voulu par Wagner. De plus certains parti pris nous semblent
difficiles à justifier : pourquoi affubler Stolzing d’un irrespect
adolescent, voire d'une certaine grossièreté qui colle mal avec la noblesse
de sa naissance et la qualité de son chant ? Certes le personnage est
différent des autres, mais il n’est pas dilettante pour autant, et la mise
en scène a trop vite fait de transformer un rebelle en sale gosse. Certains
gags font cependant sourire et apporte une gaieté bienvenue (la chaise du
chanteur devenue électrique sur un ring de boxe au premier acte, Stolzing
brisant le buste chéri du compositeur, Beckmesser aux prises avec un
élévateur récalcitrant pour sa sérénade au II ou affublé d’un costume disco
flashy au III). Reste qu'une des contradictions principale du livret est
aggravée : comment une confrérie en perte de popularité réussit-elle à
susciter un tel engouement pour son concours ? Le décor brut de la cité au
deuxième acte est bien celui d’une population détournée de l’art et
uniquement consommatrice de spectacles (les paraboles). Est-ce aussi pour
forcer le trait que cet acte se termine avec le lynchage de Beckmesser par
des figurants portant masques de singe et qui rendent impuissant la
police/veilleur de nuit ? Les immenses bannières de fan adressées à chacun
des maitres au troisième acte n’en sont que plus incompréhensibles. Cette
mise en scène vaut finalement avant tout par sa direction d’acteurs
extrêmement vive et chaleureuse, qui nous a emporté à défaut de susciter
notre adhésion.
Il était en revanche difficile de ne pas adhérer à la
musique ce soir-là ! Tous les maîtres réussissent à se distinguer les uns
des autres avec bonheur, avec une mention spéciale pour le fringuant Kothner
d’Eike Wilm Schulte. Au Veit Pogner de Christof Fischesser on reprochera
seulement une santé vocale trop ardente et une présence physique qui le font
plus passer pour le grand frère de Stolzing que pour son futur beau-père. Le
David très clair et puissant de Benjamin Bruns réussit avec art à traduire
la maladresse érudite du personnage sans sombrer dans la guignolade. Tout
comme la Magdalene d’Okka von Damerau qui jouit d’un médium riche et
velouté. Sara Jakubiak propose une Eva en pleine possession de ses moyens
mais manquant de subtilité et de tendresse à notre goût, notamment dans les
aigus. Tête à claque de génie, Martin Gantner est un Beckmesser impayable, à
la fois détestable et attachant, qui jamais ne sacrifie la qualité de son
chant aux effets théâtraux, il sera ovationné par la salle. Stolzing ne pose
évidemment aucun problème à Jonas Kaufmann et le rôle lui permet de faire
montre de toutes les qualités dramatiques et musicales qu’on lui connait
déjà, alternants airs époustouflants et une finesse comique qu'on ne lui
soupçonnait pas. Pour Sachs, Wolgang Koch affiche une technique solide (et
il en faut, vu la longueur du rôle !) et une vraie attention dramatique mais
manque de variété et d’impact dans l’expression de la nostalgie qui rend le
personnage si attachant. Sa composition débonnaire lui donne des faux airs
de Bryn Terfel, l’éloignant finalement trop de son double juvénile qu’est
censé être Stolzing.
Inutile de dire à quel point les chœurs du
Bayerische Staatsoper sont ici excellents, ni de démontrer que la partition
n’a plus aucune secret pour l’orchestre du lieu. La direction de Kirill
Petrenko est cependant assez étonnante : sans excès de rutilance, elle
réussit à être très entraînante, roborative au point de friser l’indigestion
sonore parfois mais toujours impressionnante dans sa maîtrise des contrastes
et son énergie. La scène n’est par ailleurs jamais couverte et les moments
plus intimistes sont tout aussi excellents. C'est d'ailleurs au début de
l'acte III que l'orchestre se montre le plus époustouflant, alors que la
mise en scène colle fugacement mais parfaitement à la triste légereté du
moment.
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