Le Temps, 24 août 2015
Julian Sykes
 
Konzert in Gstaad, Menuhin Festival, 21. August 2015
 
Une voix au lyrisme tragique et lumineux
Le ténor Jonas Kaufmann a remporté un vif succès vendredi soir, lors d’un concert de gala sous la tente de concerts au Gstaad Menuhin Festival
 
Il a fallu longuement patienter avant que la star n’arrive sur scène. Le chef allemand Jochen Rieder et l’Orchestre symphonique de Bâle ont cru bon de thématiser le concert, avec en première partie la fantaisie symphonique Aus Italien de Strauss. De quoi faire un bon prélude pour la seconde partie consacrée à un bouquet d’airs italiens chantés par Jonas Kaufmann.

Or, Aus Italien n’est pas le poème symphonique le plus inspiré de Strauss. Cette œuvre de jeunesse, composée à 22 ans avant le coup d’éclat de Don Juan, présente des trouvailles d’orchestration (les belles modulations harmoniques dans le premier mouvement) sans pour autant laisser une empreinte mémorable. L’œuvre tire en longueur et paraît un peu creuse, d’où un certain ennui.

Enfin, la tension monte avec l’Ouverture «La Force du destin» de Verdi (dirigée sans la verve électrique d’un Antonio Pappano), puis Jonas Kaufmann apparaît pour chanter la scène et l’air de Rodolfo tirés de l’acte 2 de Luisa Miller. Dans le récitatif introductif, le ténor fait retentir des aigus charnus et puissants, et puise des couleurs sombres dans son registre barytonnant. Il intériorise l’émotion dans «Quando le sere al placido» qu’il aborde d’une nuance «piano» (indiquée dans la partition), tout en moirures, contrairement aux versions plus solaires et ardentes d’un Corelli ou d’un Domingo. Il chante la deuxième strophe «pianissimo», y développe des mezzi voci d’une grande poésie. «Cielo e mar» de La Gioconda est à nouveau très intériorisé (aux antipodes d’un Mario Del Monaco). On peut trouver que cette voix manque un peu de spontanéité latine, car tout est très construit, avec une ligne qui s’anime peu à peu pour culminer dans les aigus. «E lucevan le stelle» de Puccini sied magnifiquement à ce timbre sombre et tragique. Et «Addio alla madre» de Cavalleria rusticana est imprégné d’une émotion envoûtante.

Chanson napolitaine

Très applaudi, fêté par une standing ovation, le ténor se relâche, échange des sourires avec le public, jusqu’à sauter sur le podium! Il offre deux titres de son album d’opérettes en bis – Du bist mein ganzes Herz et Du bist die Welt für mich – chantés avec toute la séduction dont il a le secret. La voix y est chaude, lyrique, enjôleuse. Il interprète aussi la chanson populaire napolitaine Core’ngrato (Cœur ingrat ) de Salvatore Cardillo, pareillement empreinte d’ardeur et de charme. Irrésistible!









 
 
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