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Le Dauphiné libéré, 10.7.2015 |
Bruno Alberro |
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Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
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Une Carmen sombre et fragile
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Monter Carmen, c'est un coup de poker. L'opéra de Bizet est tant joué que
chacun a sa propre conception du rôle-titre. Mercredi, pour la première des
trois représentations aux Chorégies (à voir les 11 et 14 juillet au Théâtre
antique), une petite partie du public n'a guère apprécié la vision du
metteur en scène et l'a bruyamment fait savoir.
Louis Désiré a pris
le parti de sonder les âmes noires de Carmen, comme une psychanalyse. La
dramaturgie dévoile ses caractères, dans les méandres d'un jeu de cartes
éparpillé. Sa Carmen, sotte à l'envi, va de la minauderie à la mante
religieuse. Tandis que Don José, pauvre militaire, souffre d'amour quand sa
dulcinée l'ensorcelle...
Une Carmen cabotine et garce
Au fil
des quatre actes, Louis Désiré fixe des tableaux sur le plateau, plus que le
grand mur, comme cette muleta transformée en robe de reine, le duel devenu
affrontement, ou encore l'arrivée des solistes fondue dans les choristes.
Dans cette partie, Louis Désiré dispose d'un carré d'as. Le mezzo-soprano
Kate Aldrich se coule dans une Carmen de 16 ans cabotine et garce. D'un
phrasé clair au tenu sans effort, l'Américaine mêle les couleurs vocales à
l'évolution de son personnage. Dommage que le vent et la poussière soulevée
aient limité sa projection après le premier acte. Sa plastique séduit un
Jonas Kaufmann, lunaire, qui a endossé l'uniforme sali de Don José. Sa
tessiture sombre colle aux intentions du metteur en scène. Le ténor a prouvé
qu'il est au sommet du chant lyrique de la scène internationale. "La fleur
que je t'ai donnée" est un modèle du genre.
Que dire de l'Albanaise
Inva Mula en Micaela, le soprano a étalé sa classe. Femme fragile, elle
donne envie de la prendre dans ses bras pour la réconforter dans "Je dis que
rien ne m'épouvante".
Le toréador Escamillo intervient quinze minutes
dans l'ouvrage de Bizet, mais quelles minutes ! Le vaillant baryton
américain Kyle Ketelsen place ses basses ou ses aigus.
Le soprano
Hélène Guilmette et le mezzo Marie Karall composent un duo sobre et sans
faille, Jean Teitgen en Zuniga a fait apprécier sa basse profonde et large ;
Le Remendado Florian Laconi, habitué au haut de l'affiche, et Olivier Grand
en Dancaïre offrent leurs qualités lyriques ; Armando Noguera campe un
Moralès rassurant pour lancer cette création.
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