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L'OBS, 11 juillet 2015 |
Par Raphaël de Gubernatis |
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Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
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"Carmen" aux Chorégies d'Orange et sur France 3 : une mise en scène lourde et apprêtée
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Un ténor célèbre, de beaux solistes et
une mise en scène médiocre. |
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Comme il est dommage que la première apparition de Jonas Kaufmann dans un
opéra lors des Chorégies d’Orange se fasse avec une mise en scène aussi
médiocre que celle qui dessert la "Carmen" à l’affiche cette année au
Théâtre antique. Avec sa magnifique voix aux chaudes résonances, sa diction
remarquable, une présence qui aurait mérité un travail théâtral très
fouillé, avec son physique ombrageux et sa crinière bouclée qui conviennent
à merveille pour interpréter Don José, Jonas Kaufmann a évidemment tout pour
être le plus admirable des titulaires de ce rôle.
Un soir de mistral
Il n’est, hélas !, pas aidé par une mise en scène et des décors ratés ou
ridicules (pour ne rien dire des costumes déplorables), et, à l’instar de
ses partenaires, par une absence de direction d’acteurs de haut vol qui
aurait permis aux protagonistes de l’ouvrage de Bizet de donner ici leur
pleine mesure sur le plan dramatique, et par voie de conséquence sur le plan
vocal. En compagnie de la mezzo-soprano américaine Kate Aldrich, très jolie
femme au physique avantageux, qui sait être une excellente actrice dans le
rôle de Carmen, même si sa voix n’a ni l’ampleur, ni le caractère
nécessaires, et pour le rôle, et pour le lieu, ce Théâtre antique d’Orange
si terrible à affronter les soirs de mistral ; de la soprano albanaise Inva
Mula en Micaëla vive, énergique et tendre ; avec le vaillant Escamillo
incarné par Kyle Ketelsen, Jonas Kaufmann formait un quatuor de solistes qui
méritaient donc qu’un metteur en scène les dirigeât au diapason de leur
talent et rendît justice à leur tempérament dramatique. Lourde, apprêtée,
sans vie
Tout ce qui pêche dans cette "Carmen" semble en effet
procéder de la mise en scène, lourde, apprêtée, sans vie. Et de décors laids
et absurdes constitués de gigantesques cartes à jouer qui interdisent sur
scène tout mouvement, tout déplacement, figent sur le plateau les choristes
en groupes compacts, paralysent toute forme d’action et finissent par rendre
cette "Carmen" aussi pesante que compassée.
Bien encadrés et portés
par une meilleure direction musicale, les solistes se seraient infiniment
mieux investis dans leurs rôles. Car malgré le brillant de l’Orchestre
Philharmonique de Radio France, dont bien des pupitres ont été remarquables,
la direction de Mikko Franck s’est révélée elle aussi infiniment décevante,
sans panache, ni éclat, presque atone, et cela dès l’ouverture. Et l’on ne
peut ainsi que regretter un chef comme Michel Plasson, qui a donné à Orange
des interprétations autrement plus vivantes et passionnées de "Carmen",
comme on regrettera qu’un bon metteur en scène comme Charles Roubaud n’ait
pas assuré cette fois la réalisation scénique de l’opéra de Bizet (il sera
présent aux Chorégies avec "Le Trouvère" début août). Le surlendemain de la
première de "Carmen", l’ouverture du même opéra, dirigée pour complaire au
public par Myung Whun Chung à l’issue d’un concert symphonique donné par le
même Orchestre Philharmonique, offrait un tout autre éclat qui restituait
toute sa flamme à la partition.
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