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Journal Zibeline |
JACQUES FRESCHEL |
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Bizét: Carmen, Chorégies d'Orange, 8. Juli 2015
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Jonas Kaufmann, roi (de pique) à Orange !
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Carmen aux Chorégies d'Orange : un plateau exceptionnel servi sur un tapis de cartes !
Carmen, assez paradoxalement (à l’origine créé à l’Opéra comique en 1875
avec des dialogues parlés), se prête plutôt bien à l’espace grandiose du
théâtre antique d’Orange. L’œuvre comporte de nombreuses scènes de foule,
chœurs, dans chacun des quatre actes qui la constituent, de la place de
Séville à la taverne, dans la montagne ou à l’entrée de l’arène : c’est dans
cette dernière scène que le dispositif, pas toujours très esthétique et un
peu lourd, imaginé par Louis Désiré, trouve ses plus belles couleurs, grâce
en particulier aux éclairages réalisés par Patrick Méeus. L’espace est un
immense tapis de jeu, jonché de cartes géantes, figurant on n’en doute pas,
le destin fatal de l’héroïne. Des espèces de lances (de « piques » à l’image
du symbole « noir » des cartes à jouer ?) se plantent et se déplantent,
définissant des aires de jeu. L’idée est séduisante, la réalisation moins,
compensée du point visuel par un beau nuancier coloré des costumes.
A
Orange, la magie opère lorsque le théâtre est plein (il l’est !), mais le
vent vient parfois troubler la bonne perception acoustique du spectacle
(c’est le cas le 8 juillet lors de la première). Cependant, malgré cet
inconfort, on apprécie pleinement la qualité exceptionnelle de la
distribution vocale. Pensez seulement que le Remendado (emploi « secondaire
» s’il en est) est confié à Florian Laconi, familier des premiers rôles ! Il
faut dire que Don José est interprétée par le « roi » actuel des ténors :
Jonas Kaufmann. Beau comme un dieu, au côté de Kate Aldrich, Carmen tout
aussi astrale de vénusté, il rayonne et surclasse le plateau. Dès qu’il
ouvre la bouche il se passe quelque chose ! Au-delà de la magnificence du
timbre et du contrôle technique, c’est un artiste génial : son air « La
fleur que tu m’avais jetée… » constitue le climax de la représentation (avec
aussi la fin, l’un des sommets de l’histoire de l’opéra), chanté comme
personne. Sa prestation provoque un flot ininterrompu d’acclamations ! Inva
Mula (Micaëla), malgré une voix qui bouge un peu, se taille une part du
succès, avec aussi Kyle Ketelsen (Escamillo), basse puissante et tonique à
souhait. A la baguette, Mikko Franck impose à l’Orchestre Philharmonique de
Radio France des tempi de sénateur qui alourdissent la version un peu
bourrative d’Ernest Guiraud, remaniée peu après la mort de Bizet.
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