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L'Avant-Scène Opéra
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Didier van Moere |
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Strauss: Ariadne auf Naxos, Bayerische Staatsoper München, Gastspiel, Paris, TCE, 12. Oktober 2015
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Ariane à Naxos
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Ariane en concert, même avec mise en espace, alors que c’est pur théâtre ?
Pour l’Opéra, passe encore, mais le Prologue ? Kirill Petrenko avait donc,
aux Champs-Elysées, un sacré défi à relever à la tête des forces bavaroises
qu’il dirige depuis deux saisons. Il l’a fait, justement, grâce à une
direction claire et cursive, qui imprime à ce Prologue un rythme qu’on ne
trouve pas toujours à la scène : aucune rupture entre les registres, entre
le parlé du Majordome et le chant des autres – parfois d’ailleurs simple
musicalisation de la parole. Mais les protagonistes ne l’ont guère aidé,
alors que les rôles secondaires étaient parfaitement tenus et que Markus
Eiche imposait d’emblée un Maître de musique en voix et chantant ses notes,
à rebours d’un usage fort répandu. Alice Coote, qu’on a pu tant aimer
ailleurs, déçoit ainsi beaucoup : malgré de jolies nuances, son Compositeur
est plus agressif que passionné, strident surtout, sans le moindre charme
adolescent, avec des phrasés trop raides. Petite voix courte de timbre et de
médium, la Zerbinette de Brenda Rae est inexistante et Johannes Klima n’a
pas l’autorité du Majordome.
L’Opéra, heureusement, réserve d’autres
plaisirs. Le futur chef de la Philharmonie de Berlin avance, avec une
alacrité jamais sèche, enchaîne naturellement seria et buffa, sans émacier
le premier ni empeser le second, faisant jouer les timbres d’un orchestre
dont il préserve la dimension chambriste jusque dans les pages les plus
chargées – manque seulement un peu de sensualité. Il est vrai aussi que
Munich, depuis presque un siècle, entretient avec Ariane une relation
privilégiée…
Branda Rae est plus présente que dans le Prologue, avec
un air bien assumé, mais sans la sensualité de Zerbinette, très prosaïque
dans la composition – la dernière réplique tombe totalement à plat. Elliot
Madore fait aussi un Arlequin assez pâlichon. Les autres comiques et les
nymphes font bien leur office. Beaucoup, évidemment, étaient venus pour le
couple Anja Harteros-Jonas Kaufmann – savaient-ils tous que Strauss n’a
consenti que vingt minutes à Bacchus ? Si la défection de la soprano
allemande a pu les décevoir, ils ont entendu une Ariane de très grande
classe : l’Américaine Amber Wagner. Voix longue, partout charnue, émission
souple et maîtrisée, ligne patricienne remarquablement tenue, c’est bien là
une fille de roi, à laquelle le ténor allemand n’a nullement fait de
l’ombre. Un jeune dieu irradiant, de bronze et de velours, un peu éprouvé
parfois par les tensions de Bacchus, alors qu’il garde assez de souplesse
pour murmurer « Du schönes Wesen »… mais en détimbrant. Et l’émission
obstinément sombrée ne s’accommode pas toujours des aigus du rôle – pour
éviter l’accident, il négocie les dernières mesures en voix mixte. Bref : le
Kaufmann d’aujourd’hui, à un tournant d’une évolution qu’on aurait du mal à
prédire. |
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