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Forum Opera, 27 Septembre 2015 |
Par Yannick Boussaert |
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Verdi: Aida, Bayerische Staatsoper München, 25. September 2015
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Radamès ! Radamès ! Radamès !
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Foule, pas pressés, bruissements des étoffes et passionnés à la recherche
d’un sésame pour entrer dans la Bayerische Staatsoper… Personne n’est dupe :
si en ce soir de première le tout Munich s’est donné rendez-vous pour cette
énième reprise d’Aïda telle que proposée par Christof Nel en 2009, c’est
bien pour assister au premier Radamès scénique de l’enfant chéri du pays et
ténor star, Jonas Kaufmann. Son succès était gagné d’avance, l’incarnation
le confirme. Un bonheur ne venant jamais seul, le plateau et la fosse se
surpassent pour atteindre d’égales hauteurs.
Jonas Kaufmann tout
d’abord. Fait-il le diminuendo à la fin de Celeste Aida, comme au disque ?
Question rhétorique ! Déjà, l’air entier résume tout le personnage et
l’épaisseur que le ténor lui confère. Guerrier, il déclame avec véhémence.
D’airain, la voix rayonne voire même frappe. Amoureux, le héros s’abandonne
aux demi-teintes, notes filées, et aux piani où la fragilité du chef des
armées sourd dans ce timbre de moire, de miel ou de chocolat. Imposant dans
les ensembles où il rend crédible l’image du commandeur magnanime dans la
guerre et son lot d’horreurs, c’est en deuxième partie qu’il renverse la
salle. L’acte du Nil est électrique. Est-ce la fréquentation récente des
rôles pucciniens qui magnifie à ce point son sens de l’épique et du drame ?
La conclusion de cet acte laisse pantois tant l’engagement et surtout le
volume se portent à un niveau encore non atteint chez le bavarois. « O
terra, addio » enfin aura certainement replongé beaucoup de spectateurs dans
les délices des duos du Don Carlo donné en ces mêmes lieux. Mais ce soir
Aida a changé. Rome a gardé en partage Anja Harteros. Faut-il le regretter ?
Partenaire idéale du chouchou de la soirée, Krassimira Stoyanova fait elle
aussi ses débuts en princesse éthiopienne. A s’y méprendre tant la présence,
la ligne, le sens inné de la nuance, la coloration de cette verdienne
chevronnée sont à se pâmer. Le personnage prend vie servi par un médium
chaud qui embaume l’espace et un aigu cristallin qui scintille, dénué de
vibrato. Ligne et medium charnu sont aussi deux qualités d'Anna Smirnova. La
mezzo russe déborde de puissance qu’elle épanche par torrents entiers tout
en maintenant ses registres soudés. Sa palette est toutefois un peu moins
riche que celle de ses deux comparses, peu mielleuse quand il faut tromper
Aida, émoussée parfois quand il faut trancher en digne fille de Pharaon.
Dans leur spectre vocal, les trois clés de fa se livrent un duel à distance.
Noirceur du timbre et du costume pour Ain Anger qui met à profit sa
fréquentation du répertoire allemand pour imposer un Ramfis tout en muscles
; ligne et couleurs de baryton-verdi pour l’Amonasro de Franco Vassalo dont
on regrette la brièveté du rôle ; chaleur pour le Roi de Marco Spotti. Ce
plateau vocal est un modèle d’équilibre qui s’étend aux chœurs puissants,
incisifs, où chaque pupitre rivalise de beauté vocale, aux interventions
soyeuses et tendres d’Anna Rajah (prêtresse), ou encore à l’urgence du récit
du Dean Power (messager).
Tension, lyrisme, douceur voici les trois
pôles vers lesquels Dan Ettinger fait naviguer ses troupes. Il en résulte de
forts contrastes. Les scènes lentes (le premier trio par exemple) ménagent
un répit avant que soudain, le son se cristallise dans un orchestre redevenu
massif. Les triomphes et autres ballets balancent entre subtilité et
majesté. Toujours soucieux du volume sonore et de son plateau, le chef
israélien confirme sa valeur dans ce répertoire italien, et peint sans
exubérance une Aida rendue à sa vocation intimiste.
Sobriété aussi
dans la proposition scénique de Christof Nel et de son équipe technique. A
l’exception de quelques coiffes et accessoires qui donnent l’idée d’une
Egypte intemporelle, les décors se présentent à la fois monumentaux et
minimalistes : de grandes structures anguleuses amovibles délimitent les
espaces scéniques sur un plateau tournant. Celui-ci donne à voir les à-côtés
du récit : pillage, viols et tueries de la guerre ; procès de Radamès acculé
par ses juges et le clergé dont les costumes et les sabres l'identifient à
une milice. Une approche similaire à celle d’Olivier Py à Paris en somme,
mais dépouillée de provocations et à l’écoute de la musique de Verdi. De
l’absence de l’équipe aux saluts, on déduira que la direction d'acteur en
est restée à la portion congrue et que le temps de répétition a été très
limité. Si, bien que souvent la chorégraphie prend le relais dans les scènes
de groupe, on rend hommage aux interprètes de la soirée qui auront su faire
vivre le drame.
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