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Le Temps, 01 avril 2014 |
Julian Sykes |
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Schubert: Winterreise, Grand Théâtre de Genève, 30. März
2014
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Un souffle schubertien
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Le ténor et le pianiste Helmut Deutsch étaient soudés dans le
«Voyage d’hiver», dimanche soir au Grand Théâtre de Genève
On pouvait craindre que la voix de Jonas Kaufmann soit trop ample pour le
lied. Or, l’artiste est trop intelligent pour se laisser aller à des effets
superfétatoires. Arrivé au terme du Voyage d’hiver – avec un «Joueur de
vielle» quasiment murmuré –, le public en avait le souffle coupé. Il a fallu
plusieurs secondes avant que la salle ne se mette à applaudir, dimanche soir
au Grand Théâtre de Genève. Standing ovation pour le ténor et son pianiste
Helmut Deutsch.
Le plus beau est dans la complicité qui unit les deux
artistes. Le jeu de Helmut Deutsch – si rond, si lumineux, si expressif! –
épouse les grâces charnelles de la voix de Jonas Kaufmann. Car il s’agit
d’un chant incarné, entre tendresse et colère rentrée, afin de refléter
toute la palette d’émotions qui habitent le voyageur errant de Schubert.
Jonas Kaufmann chante avec une autorité naturelle sans besoin d’en
rajouter. Il prend soin à moduler la voix, à graduer les nuances, à
introduire telle césure à un moment inattendu. Rien n’est exagéré, tout
coule avec une limpidité qui paraît plus évidente encore que dans le dernier
CD des deux artistes paru récemment. Il arrive que Helmut Deutsch dicte
l’impulsion et que le ténor réponde, en éclaircissant telle voyelle, en
allégeant telle texture vocale ou, au contraire, en marquant les contrastes
par une soudaine densification du timbre.
Le plus souvent, on est
frappé par la tendresse qui émane de la voix de Kaufmann. Il y a une
fragilité (notamment lorsque le ténor bascule en voix de tête) qui renvoie
au voyageur incapable de faire la différence entre son monde intérieur et le
monde extérieur. Les mots sont d’une grande clarté – à l’exception d’une ou
deux erreurs. Plus Kaufmann est dans la retenue, chantant doucement, plus il
tient le public suspendu au bout de ses lèvres, comme dans les deux derniers
lieder, «Die Nebensonnen» et «Der Leiermann».
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