Diapason, 27/02/2014
Par Emmanuel Dupuy
 
Massenet: Werther, Metropolitan Opera, 25. Februar 2014
 
Metropolitan de New York : Werther de Massenet
La nouvelle production de Werther présentée au Metropolitan de New York sera diffusée en direct dans les cinémas le 15 mars. Avec Jonas Kaufmann dans le rôle-titre, le rendez-vous est immanquable !

Jonas Kaufmann en Werther, Sophie Koch en Charlotte : c’était l’affiche du chef-d’œuvre de Massenet à l’Opéra de Paris en 2011, c’est aujourd’hui celle du Metropolitan Opera, similitude qui incite forcément aux comparaisons. Disons-le d’emblée : le spectacle de Richard Eyre nous convainc bien moins que celui de Benoît Jacquot, acclamé à Bastille et immortalisé par un DVD fameux (Decca, Diapason d’or). A New York, les deux premiers actes ploient sous la surcharge décorative aggravée par un usage aussi sommaire que systématique de la vidéo. Transposé à la fin du XIXe siècle qui l’a vu naître, l’ouvrage s’éloigne des brumes Sturm und Drang chères à Goethe. Du coup, on ne croit plus au personnage de la pieuse Sophie, métamorphosée en coquette Belle époque par ses robes exubérantes.

Soupçon de plagiat

Le III et le IV, heureusement beaucoup plus sobres, ne sont pas sans rappeler les atmosphères dépeintes par Jacquot. Au point de soulever un soupçon de plagiat : pendant l’interlude précédant le dénouement tragique, le décor s’ouvre pour laisser apparaître la chambre de Werther, qui s’avance petit à petit vers la salle en un effet de zoom saisissant… mais déjà vu à Paris de façon quasi identique
L’interprétation musicale est à l’image du spectacle : un peu brouillonne pendant la première partie, plus concentrée à la deuxième. Au pupitre, Alain Altinoglu trouve certes le juste pouls des scènes de comédie du début, mais souvent au prix de la cohésion. Il faut dire qu’il n’est guère aidé par des seconds rôles (le Bailli, Schmidt, Johann), modestement distribués. Le geste se fera beaucoup plus ferme et précis lorsque viendront le drame et les souffrances, baigné de subtiles teintes automnales et toujours attentif à l’accompagnement des voix.

Le génie vocal de Jonas Kaufmann

De même, Sophie Koch semble d’abord se chercher, peinant à discipliner sa ligne et sa diction ; ce n’est qu’à l’heure des lettres et des larmes que l’on retrouve la Charlotte éperdue et frémissante qui bouleversait Paris. Toujours aussi identifié au rôle-titre, Jonas Kaufmann raffine son chant à l’extrême, au point d’en atténuer par instants la spontanéité ; mais ne pinaillons pas, le ténorissimo donne lui aussi dans les actes ultimes la pleine mesure de son génie vocal, délivrant un Lied d’Ossian anthologique, avant de rendre l’âme en un murmure avec une vérité sidérante. Bien campé sur un baryton au galbe avantageux, l’Albert de David Bizic gagnerait à cultiver son français. Aucune ombre en revanche ne ternit l’étoile haut perchée de Lisette Oropesa, Sophie tout en charmes, joie et maîtrise.

Werther de Massenet. New York, Metropolitan Opera, le 25 février.







 
 
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