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Concert Classic |
François LESUEUR |
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Konzert, Peralada, 3. August 2014
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Jonas Kaufmann en récital au Festival Castell Peralada – En majesté
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Invité pour la seconde fois par le Festival Castell Peralada, Jonas Kaufmann
a remporté un nouveau triomphe avec un Gala Lyrique digne des plus grandes
institutions. A l'issue d’une saison magnifique émaillée par trois prises de
rôles capitales (1), le ténor munichois a exécuté un concert magistral comme
lui seul est aujourd’hui capable d'en proposer.
Qui peut en effet
alterner dans la même soirée le spinto verdien et sa délicate écriture
vocale, la vaillance exigée par Massenet dans son célèbre Cid, avant de
transcender la musique de Wagner qui semble avoir été composée pour lui ? Sa
manière d'exprimer le désespoir de Don Carlo dans « Io l'ho perduta », face
à un impossible amour, grâce à ce timbre aux couleurs fauves sur lequel
passe un camaïeu de nuances, est absolument inoubliable. Pris à un tempo
très lent le fameux « Ah si ben mio » du Trovatore, chanté archet à la corde
d'une voix à la séduction immédiate, exhale toute l'inquiétante détresse de
Manrico, héros verdien par excellence rattrapé quoiqu'il entreprenne par un
irrépressible passé.
Entrecoupée par diverses pièces jouées dans
l'ensemble assez gauchement par les instrumentistes de l'Orchestre de
Cadaquès dirigé comme en 2012, par Jochen Rieder, la grande scène d'Alvaro
de La forza del destino, « La vita è un inferno », clôturait brillamment
cette partie consacrée à Verdi : piani innombrables, souffle infini, aigu
d'airain, dont le dernier attaqué sur un électrisant messa di voce,
profusion poétique des accents, tout était réuni pour faire de cet instant
un moment d'exception, au cours duquel l'on s'est pris à prier secrètement
pour qu'il ne s'interrompe jamais....
Abordé pour la première fois,
l'aria du 3ème acte du Cid « O souverain, o juge, o père », pierre angulaire
de tout ténor héroïque, interprété dans un français des plus clairs et d'une
émission racée, a propagé de perceptibles ondes de plaisir au sein d'une
assistance pendue aux lèvres de ce géant, capable de phraser avec élégance
et de tenir tête à cette tessiture, sans effort apparent. Lorsque Callas
osait avec son infaillible instinct Lucia et Isolde, Leonora et Ophélie
(Athènes 1957), le public médusé, applaudissait l'exploit, connaissant les
difficultés, mais heureux de les vivre. Pour Jonas Kaufmann passer en
seconde partie à Wagner est un défi similaire, car après s'être glissé dans
le sillon verdien en en respectant chaque indication, le ténor s'est fondu
avec la même virtuosité dans la littérature wagnérienne.
Il trouve
tout d'abord tout au long du récit de Siegmund « Ein Schwert verhiess mir
der Vater » (Die Walküre) un juste foyer, sans avoir besoin de noircir la
ligne ou d'épaissir le trait, projetant d’étourdissants « Wälse » bien
au-delà des gradins, s'abandonnant à cette musique qu'il sait faire vibrer
et à laquelle il apporte un supplément d'émotion qui n'appartient qu'aux
grands, de Melchior à Vickers en passant par Vinay et King.
Malgré un
accompagnement incertain, les deux extraits des Wesendonck-Lieder, Schmerzen
et Traüme, ont surpris par leur beauté plastique, proche de celle laissée au
disque et dirigée par Donald Runnicles (Decca), le monologue de Parsifal,
dont l’enregistrement réalisé avec Abbado demeure un must (Decca), touchant
au sublime. On a rarement entendu musicien plus impliqué, interprète plus
engagé, artiste plus prompt à restituer dans un même élan la puissance et la
fébrilité d'un chaste fol éperdu dans sa quête de rédemption.
Pour
confirmer son ascendant sur un auditoire en délire, Jonas Kaufmann
poursuivait ce marathon vocal avec quatre bis choisis, parmi lesquels un «
Donna non vidi mai » de Manon Lescaut, princier, un somptueux lamento de
Federico (L'Arlesiana), avant de tirer sa révérence avec un envoûtant « Dein
ist mein ganzes Herz » extrait du Pays du sourire de Lehar.
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