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Le Temps, 5 mars 2013 |
Julian Sykes |
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Wagner: Parsifal, Metropolitan Opera, 2. März 2013
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Wagner magnifié par le cinéma
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Samedi, le Metropolitan Opera de New York diffusait en direct et en haute
définition sa dernière production de «Parsifal». Servie par une très belle
distribution, la mise en scène de François Girard se prête à la formule
Voir Parsifal de Wagner projeté sur un écran géant, calfeutré dans son
siège de cinéma, ce n’est pas la même chose que de le voir à l’opéra. Tous
les effets semblent démultipliés! Les héros wagnériens paraissent plus
grands que nature, dans leur beauté d’âme comme dans leurs failles. C’est
carrément un autre spectacle, modelé selon le cadrage et le séquençage des
images.
Samedi, le Metropolitan Opera de New York retransmettait en
direct et en haute définition («Live HD») sa nouvelle production de Parsifal
dans les salles de cinéma du monde entier – dont le Pathé au Flon, où nous
étions. Depuis plusieurs années déjà, la maison d’opéra américaine propose
cette formule. L’opéra testamentaire de Wagner s’y prête particulièrement
bien. Avec son sujet gigantesque – la reconquête du Graal –, l’écriture très
cinématographique de Wagner, ponctuée d’allers-retours dans le vécu
psychique des personnages, on est plongé dans une fable au-delà des repères
ordinaires.
La mise en scène du Canadien François Girard elle-même
est très cinématographique. Les plans rapprochés sur les personnages, la
beauté de certaines compositions rythment une action assez statique.
Les expressions du visage prennent un relief saisissant. On y lit la
complicité naissante entre Gurnemanz (René Pape) et Parsifal (Jonas
Kaufmann), ou la souffrance du roi Amfortas, plaie béante…
Fabuleuse incarnation de Peter Mattei, dont les gestes traduisent la
souffrance presque au-delà des mots. Le sang, tour à tour plaie du Christ,
mal-être spirituel, cycle menstruel, inonde la mise en scène entière. Le
deuxième acte est le sommet de cette production, comme si l’on se retrouvait
maintenant au creux de la plaie d’Amfortas, au fond de l’abîme, voire piégé
dans une cavité vaginale.
Poignant, Jonas Kaufmann compose un
Parsifal capable de la plus grande vulnérabilité (la manière dont il dit:
«Je défaille») comme d’une puissance à vous clouer sur votre fauteuil.
René Pape est un Gurnemanz toujours plus humain. Et la Kundry de Katarina
Dalayman (malgré quelques stridences) séduit par un timbre onctueux. De
temps à autre, la caméra cadre le chef Daniele Gatti, physique râblé. Lui
aussi fait partie des héros à l’œuvre. Il adopte des tempi très lents, à la
limite du soutenable par instants, mais superbement sentis.
La salle
de cinéma devient cet antre à l’abri du monde dont on ne voudrait plus
ressortir. |
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