Le Devoir, 16 février 2013
Christophe Huss
 
Wagner: Parsifal, Metropolitan Opera, 15. Februar 2013
 
Parsifal au Metropolitan Opéra — Le poids du chant, le choc des images
Le Metropolitan Opera de New York présentait vendredi en grande première sa nouvelle production de Parsifal, le testament musical de Richard Wagner. Cette production sera visible partout dans le monde, le 2 mars à 12h, en direct, dans les cinémas retransmettant les spectacles «Met Live in HD».

Comme pour Der Ring des Nibelungen, Le Metropolitan Opera – qui, dans l’histoire, fut, en 1903, la seule institution à violer les droits d’exclusivité voulant que Parsifal ne puisse être montré ailleurs qu’à Bayreuth avant 1914 – a fait appel à un metteur en scène québécois, François Girard.

Le spectacle, rodé à Lyon, en France, en mars 2012, a reçu une très chaleureuse adhésion du public malgré de très minoritaires, mais violentes huées venant des hauteurs du théâtre, côté jardin. Probablement le même bastion qui huait Lepage il y a un an.

Nous développerons, lundi dans Le Devoir, l’analyse du spectacle, mais il faut souligner d’emblée que, musicalement, ce Parsifal est servi par un quatuor de chanteurs exceptionnels. Jonas Kaufmann est Parsifal, physiquement et vocalement, comme il est Werther ou Don José (dans Carmen). Sa scène suivante grande révélation du baiser, alors qu’il fait siennes les douleurs d’Amfortas (vidéo en pied de ce compte-rendu) est d’une déchirante viscéralité.

Face à lui, la Kundry de Katarina Dalayman – plus intéressée par la persuasion que la réelle séduction – brûle vocalement du feu wagnérien à l’Acte II, comme les grandes Kundry du passé. Le moins spectaculaire, René Pape est en fait le plus impressionnant, dosant avec une science sans équivalent les dynamiques, pour appuyer sur les paroles les plus signifiantes. À ses côtés, l’Amfortas de Peter Mattei est la classe brute, moins travaillée, mais impressionnante.

S’agissant du spectacle, François Girard a beau laisser entendre qu’il est un cinéaste devenu avant tout aujourd’hui homme de théâtre, son Parsifal est en premier lieu celui d’une magie visuelle, proposant l’intégration la plus pertinente, la plus évocatrice et la plus poétique de la vidéo qu’il m’ait été de voir sur une scène d’opéra. Le métier de «video designer» – Peter Flaherty dans cette production – va devenir de plus en plus éminent dans le monde de l’opéra.

Flaherty et Girard ouvrent la scène du théâtre sur le monde et rendent Parsifal au monde des humains, un monde desséché et en perte de contrôle, où hommes et femmes ne communiquent plus, où les Chevalier du Graal espèrent un réalignement des planètes. Même s’il déchristianise l’opéra, par exemple dans une étrange prière à une seule main, Girard se permet tout de même des images fortes, telle cette véritable déposition d’Amfortas à l’Acte III. À la fin du premier acte, Parsifal, compatissant, s’apprête à panser la blessure universelle, une plaie béante.

Au second Acte, il se retrouvera dans ces entrailles, résistant à la séduction de filles-fleurs très orientalisantes et à celle de Kundry, dont le baiser-révélation repoussé reste le centre de l’œuvre. Sa force intérieure et détermination lui feront récupérer la lance volée par Klingsor aux Chevaliers du Graal.

Après une longue errance (Acte III) il retrouve Montsalvat, sauve la terre d’une longue éclipse et réunit masculin et féminin pour une régénérescence du monde.






 
 
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