|
|
|
|
|
Forumopera, 17/7/2013 |
par Catherine Jordy |
|
Baden-Baden: Saisonabschluss-Gala, Elina Garanča - Jonas Kaufmann, 12. und 14. Juli 2013
|
|
Belle complicité
|
|
4/4 |
|
Pour terminer sa saison avec éclat, le Festspielhaus de Baden-Baden offre
comme tous les ans un gala de clôture doté de superstars. À l’affiche, voix
et physique d’exception pour la mezzo lettone Elīna Garanča et le ténor
munichois Jonas Kaufmann, qui auraient toutes leurs chances au concours de
Monsieur Univers lyrique et Miss Monde opéra : un couple idéal de cinéma
comme de studio, aux voix à l’unisson, puissantes et veloutées pour
l’essentiel. En voilà deux qui ont tout et qu’on aurait presque envie de
marier, s’ils ne l’étaient pas déjà chacun de leur côté ; leur programme,
bien équilibré, évoque des amours contrariées et leur permet de tirer chacun
son épingle du jeu.
On commence avec des extraits de Werther, dans
lequel on les retrouvera au Met en 2014 et la magie opère immédiatement. Il
faut dire qu’on embraye directement sur le duo du Clair de lune, auquel il
est bien difficile de résister. On y retrouve les spécificités de Jonas
Kaufmann, spécialiste des contrastes sonores : le « J’en mourrai, Charlotte
» est susurré, à peine audible, expiré, en quelque sorte, alors que « Un
autre, son époux » est vociféré avec une force à réveiller les morts et à
faire jaillir les larmes. C’est là un déferlement de décibels qui ne sera
pas unique au cours de la soirée. Elīna Garanča, quant à elle, n’est pas en
reste à cet égard et à aucun moment on ne craint de les voir submergés par
l’orchestre. Si le français n’est pas toujours irréprochablement prononcé
par l’un et l’autre, l’émotion s’instille graduellement et culmine avec un «
Pourquoi me réveiller ? » salué par une très longue ovation.
La
Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern emmenée par Karel
Mark Chichon nous octroie la Bacchanale de Samson et Dalila afin de nous
calmer les nerfs après tant de tensions. Orientale et sensuelle à souhait,
la formation surprend par sa grande homogénéité et une couleur très
hollywoodienne. Le duo final de Carmen qui suit fascine par son intensité.
L’apparence sophistiquée, glamour et un rien papier glacé de la star lettone
n’évoque guère a priori la turbulente bohémienne, mais le timbre chaud,
ambré et fier, soutenu par des moyens impressionnants, emporte l’adhésion.
Le jeu de la comédienne-née qu’est Elīna Garanča fait le reste. Face à elle,
la barbe de deux jours d’un Jonas Kaufmann aminci fait merveille pour camper
un Don José franchement convaincant. Entre folie furieuse et désespoir
impuissant, le ténor déploie des trésors de technique et toute la palette de
son nuancier vocal.
Après la pause, on nous propose l’ouverture des
Vêpres siciliennes qui nous rappelle peut-être que le Festspielhaus dispose
d’un ambitieux Festival de Pâques. Jolie transition pour rester dans
l’ambiance pascale de la Cavalleria Rusticana où les rôles sont inversés.
Cette fois, c’est Elīna Garanča qui va devoir souffrir les affres de la
jalousie. Arborant une nouvelle robe surmontée d’une coiffure sagement
relevée, pendant l’entracte, en chignon qu’on n’a pas envie de crêper (au
contraire, qu’on nous donne l’adresse du coiffeur, par pitié !), la diva
sophistiquée n’est pourtant pas avare de fêlures qui humanisent son chant.
Sa Santuzza cassée, humiliée, splendide dans les descentes chromatiques, se
révèle digne et impériale. Jonas Kaufmann fait face, sicilien en diable,
très noir, avec un legato mieux que séduisant. À ce stade-là, comment juger
encore de la voix d’un être aussi beau ? À l’instar de Redford dans Out of
Africa, on ne se demande plus s’il sait jouer la comédie, ou chanter dans le
cas présent : il est la beauté incarnée, le romantisme fait homme et une
divinité qu’on a pour soi, là, tout de suite. D’ailleurs, un spectateur
arrive avec un magnifique bouquet de roses écarlates qu’il donne en cadeau à
Jonas (beau clin d’œil au mariage pour tous…), sans toutefois oublier
d’accorder une rose rouge à notre diva qui repart au bras de son complice du
jour, non sans nous gratifier d’une œillade digne des blondes de Tex Avery.
Le public, déjà debout, en devient hilare et définitivement conquis. Cela
tombe bien car notre duo revient pour des rappels plus gais, après un
programme bien triste et tragique. Notre romantique plus vrai que nature
chante enfin dans sa langue natale un « tu es le monde entier pour moi » et
murmure un « ich liebe dich » oxymore, c’est-à-dire incroyablement sonore.
Pour égaler sa performance, Elīna Garanča se surpasse dans son « Al Pensar »
où elle dégaine un trémolo qui n’en finit plus, bien plus long que celui
déjà proposé à Baden précédemment. Kaufmann se doit ensuite de nous emballer
avec un « Non ti scordar di me » à rendre tout aussi jaloux Mario Lanza que
Beniamino Gigli. Pour réconcilier tout le monde, le couple élu du soir nous
salue avec un Brindisi festif. Ça y est, le Festspielhaus est en vacances
jusqu’à fin septembre. Un repos bien mérité.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|