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la Croix, 29 décembre 2013 |
par Emmanuelle Giuliani |
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Verdi: La forza del destino, München, 22. Dezember 2013
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Ludovic Tézier et Jonas Kaufmann, les deux font la paire…
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Déjà sur la scène de l’Opéra de Munich et déjà dans un chef-d’œuvre de
Verdi, le duo formé par le baryton français Ludovic Tézier et le ténor
allemand Jonas Kaufmann imposait, en juillet dernier, sa formidable
complicité musicale et dramatique. Le marquis de Posa et l’Infant Carlos,
liés par une indéfectible amitié, nourrie d’affection pour le premier et
d’admiration pour le second, rayonnaient de concert, mariant leurs voix
complémentaires et leurs lignes de chant au diapason.
Quelques mois
plus tard, ce samedi 28 décembre, en direct du même théâtre munichois
(quelle programmation rutilante, quelles distributions vocales enviables !),
les deux artistes se retrouvaient dans une nouvelle production de La Force
du destin, cet opéra de la fatalité, du malheur et de la malédiction.
Entre Carlo et Alvaro, entre le frère et l’amant de Léonore (vibrante
Anja Harteros, elle aussi splendide interprète du Don Carlo estival), il
n’est plus question d’amitié ! Mais d’une sanglante rivalité qui les jette
littéralement l’un contre l’autre dans un corps à corps, un voix à voix,
impitoyables. En dépit de quelques tics et facilités sans parler d’un goût
certain pour les costumes ingrats, la mise en scène de Martin Kusej explore
et exploite l’alchimie dramatique de ce tandem chauffé à blanc par la
direction musicale passionnée d’Asher Fisch.
Séparément, Ludovic
Tézier et Jonas Kaufmann sont de magnifiques chanteurs, le premier affirmant
rôle après rôle un tempérament théâtral autrefois trop réservé, tandis que
le second brûle littéralement es planches. Ensemble, stimulés l’un par
l’autre, porté par une tension commune qui décuple l’intensité de leur
engagement individuel, ils « font la paire », indéniablement. Dans La Force
du destin, Verdi orchestre la confrontation entre Carlo et Alvaro, offrant à
ses personnages jusqu’au-boutistes (notamment le frère assoiffé de vengeance
et aveuglé par la rage) des duos d’une puissance et d’une beauté quasi
insoutenables. Frappés par le désespoir, poussant la douleur à son paroxysme
et franchissant sans retour les frontières de la raison, les héros verdiens
n’en demeurent pas moins vraisemblables, familiers et touchants. Encore
faut-il des interprètes à leur mesure, possédés par la flamme, habités par
la musique, mêlant les trésors de leur talent dans le creuset du travail
d’équipe.
Bis. A noter aussi le superbe Fra Melitone, aussi stylé que
truculent, du baryton Renato Girolami que le public munichois aurait dû,
nous semble-t-il, applaudir encore plus chaleureusement. Il y avait du
Falstaff dans sa composition savoureuse et déliée.
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