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Opéra, décembre 2013 |
Éric Pousaz |
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Puccini: La fanciulla de West, Wiener Staatsoper, 5. Oktober 2013
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Vienne - La fanciulla del West
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Un couple vraiment exceptionnel |
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Absente de l'affiche de la première scène viennoise depuis plus de vingt
ans, La fanciulla del West est revenue à la demande de Franz Welser-Möst. En
effet, le Generalmusikdirektor de la maison y voit l'un des joyaux de
l'opéra italien du XXe siècle. Pour lui, comme pour Alban Berg jadis, la
production lyrique de la Péninsule à l'époque (1910) n'a pas grand-chose de
comparable à proposer, autant pour la modernité de l'écriture que pour la
complexité des figures rythmiques. L'interprétation du chef autrichien
prouve le bien-fondé de son point de vue. Chaque personnage, aussi
épisodique soit-il, est croqué avec un luxe de nuances par un orchestre
vif-argent, au jeu d'une plasticité luxuriante, par exemple dans les
délicates broderies accompagnant la scène 'de la lecture de la Bible. S'il
est vrai que l'ouvrage ne connaît pas encore la célébrité qu'il mérite,
Welser-Möst confirme que toute tentative de réhabilitation durable relève
d'abord de la responsabilité du chef, et pas seulement des chanteurs.
L'équipe vocale n'est pas en reste pour autant. Les effets
spectaculaires sont très rares dans le portrait, tout en finesse, que brosse
Nina Stemme de la farouche héroïne. Loin de faire de Minnie une « Brünnhilde
à l'italienne», la soprano suédoise travaille le rôle dans la demi-teinte et
la retenue. Les aigus ne manquent certes pas d'éclat, mais c'est dans les
moments intimistes que l'artiste atteint les cimes. Le nostalgique «Laggiù
nel Soledad» est abordé comme un lied, la voix tissant des correspondances
raffinées avec un tissu orchestral riche en ruptures de rythme et en fugaces
éclairs de tendresse.
En prise de rôle, Jonas Kaufmann trouve, lui
aussi, des accents inattendus pour caractériser son personnage. S'appuyant
sur une présence physique avantageuse, le ténor allemand peut charger son
chant de mélancolie et de poésie, tout en délivrant, quand il le faut, des
aigus radieux. Au dernier acte, après un « Ch'ella mi creda» d'anthologie,
son Dick Johnson privilégie des accents d'une élégance charmeuse, trop
séduisants pour être honnêtes, qui laissent imaginer que Minnie pourrait
bien ne pas jouir longtemps de la vie idyllique qu'elle rêve à ses côtés !
Pour tenir tête à ce couple vraiment exceptionnel, il aurait fallu un
Jack Rance d'une grande prestance scénique et/ou vocale. Tomasz Konieczny,
hélas, n'est jamais à la hauteur. Le timbre du baryton-basse polonais manque
d'éclat, et son interprétation reste marquée du sceau d'une vilaine
tradition vériste, surtout dans les moments pathétiques, où elle devient
inutilement ostentatoire. Les quelque quinze chanteurs engagés pour les
rôles plus épisodiques, en revanche, sont irréprochables, contribuant à
renforcer l'impression d'équilibre dégagée par le spectacle.
Marco
Arturo Marelli modernise l'intrigue en la situant de nos jours, dans un
village où des containers entassés servent de logements de fortune aux
mineurs. Ainsi illustré, le récit émeut, nous montrant que son cadre «
américain » n'est qu'un vernis. L'envol des deux héros dans une montgolfière
multicolore, sur les dernières mesures de la partition, fait quelque peu
figure de pied de nez, obligeant le spectateur à considérer, avec d'infinies
précautions, ce «happy end» improbable qui ne résout rien.
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