Diapason, juin 2011
Emmanuel Dupuy
Wagner: Die Walküre, Metropolitan Opera, 22. April 2011
 
Walkyrie transatlantique
 
Comme Paris et Milan, New York est entré dans la course d'un nouveau Ring dont les principaux artisans sont le metteur en scène canadien Robert Lepage et le chef James Levine - qui célèbre cette saison ses quarante ans de direction musicale au Metropolitan Opera ! Côté spectacle, avouons notre déception. Pour unique décor, Carl Fillion a imaginé une sorte de clavier géant qui occupe tout l'espace et dont les touches mobiles, colorées par des projections changeantes, forment tour à tour les arbres d'une forêt, le toit d'une hutte, le sommet d'un rocher, les montures que chevauchent les walkyries, etc. La prouesse technique est impressionnante et, visuellement, c'est plutôt joli. Mais pour le théâtre, on est proche du degré zéro, la direction d'acteurs se résumant à une plate illustration du livret. Bref, pas de quoi effaroucher, le public du Met, réputé très conservateur et apparemment comblé par cette mise en espace high-tech.

Côté fosse, on se laisse submerger par ce flot orchestral d'une cohésion supérieure, par cette pâte somptueuse que Levine façonne en prenant son i temps. Vision contemplative, bien peu théâtrale elle aussi, exaltant davantage la vaste architecture que l'énergie de l'instant - c'est Knappertsbusch, la précision en plus !

Les miracles viennent du plateau où il ne faut déplorer qu'un seul maillon faible, mais il est de taille : on peut reconnaître à Deborah Voigt de belles intuitions musicales, de louables qualités d'allègement, cette Brünnhilde n'en demeure pas moins disqualifiée par une émission ingrate et vinaigrée. Autour d'elle, bonheurs ! Fricka tout en opulences, Stephanie Blythe fait un tabac, voix immense, expression à l'avenant, assumant sans complexe la mise matrone du personnage. Face à elle, le Wotan de Bryn Terfel n'a qu'à bien se tenir et il en a les moyens ! Certes, on a entendu des dieux plus puissants du grave, mais rarement d'aussi prodigues en legato, en galbe, d'aussi sincères dans l'incarnation, parfait mélange d'autorité et de dérision. A l'acte I, la Sieglinde d'Eva Maria Westbroek reste fidèle à sa légende, grande et belle fille au lyrisme généreux et épanoui ; mais, souffrante en ce soir de première, elle doit laisser sa place à sa doublure, la très honorable Margaret Jane Wray, pour la fin de l'ouvrage. Enfin, Jonas Kaufmann chante son premier Siegmund et met la salle à ses pieds : ardente précision du mot et de la note, adéquation idéale entre l'artiste et le rôle, tant dans ses éclats héroïques que dans les grâces d'un Wintersturme quasi belcantiste, présence évidemment irradiante.

Suite (et fin) des événements la saison prochaine, sur place, ou, de ce côté-ci de l'Atlantique, dans les cinémas qui retransmettent les matinées du Met en direct (renseignements et réservations sur www.cielecran.com). Emmanuel Dupuy

LA WALKYRIE DE WAGNER.
NEW YORK, METROPOLITAN OPERA, LE 22 AVRIL.




 






 
 
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