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La Croix, 12/5/11
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EMMANUELLE GIULIANI |
Wagner: Die Walküre, Metropolitan Opera, 22. April 2011
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« La Walkyrie » clôt la saison du Met au cinéma
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C’est avec une retransmission wagnérienne, en direct depuis le
théâtre lyrique new-yorkais, que s’achève la saison 2010/2011 du Met sur
grand écran. Dans la mise en scène de Robert Lepage, James Levine dirige
l’orchestre de la maison et un plateau de chanteurs de grand luxe. |
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Sur l’affiche du spectacle, opulente chevelure rousse et visage altier, la
soprano Deborah Voigt toise de son regard de Walkyrie le public venu en
nombre écouter cette nouvelle production du Met. Il faut dire que le
spectacle collectionne les « ingrédients » aptes à aiguiser l’appétit des
amateurs.
Comme le prouvera sans doute la retransmission en direct
samedi prochain 14 mai, dans les salles de cinéma de 44 pays différents –
dont plus d’une centaine en France – la promesse d’excellence fut parfois
tenue, parfois non.
Au rang des déceptions, la mise en scène du
Canadien Robert Lepage semble bien conventionnelle compte tenu du dispositif
technique formidable dont elle bénéficie. Pourtant, le prélude laisse
augurer du meilleur. Tandis que l’orchestre déchaîne un torrent de violence
contenue et de passion à fleur de notes, les longues planches de bois
mobiles qui sculptent le décor deviennent autant de sombres et gigantesques
troncs d’arbres d’où émergera Siegmund fuyant ses ennemis.
Cette
forêt en marche est impressionnante, grandiose. Mais, si l’on excepte le
rocher vu du ciel où s’endormira, à la fin de l’ouvrage, la Walkyrie
rebelle, rares sont ensuite les images aussi spectaculaires. Comme si les
idées avaient manqué au metteur en scène pour exploiter l’ingéniosité
irréprochable de son outil mariant informatique et vidéo.
La
direction de James Levine avance sans lourdeur
Quelques images sont
mêmes franchement ratées comme cet affreux fond vert salade qui accompagne
de manière bien trop littérale le sublime chant du printemps au Ier acte.
Réserves aussi face au rôle-titre. Engagée, belle en scène en dépit de
son costume sorti d’un film d’héroïque fantaisie pour adolescents – tous les
protagonistes hors Sieglinde et la déesse Fricka, arborent cottes de
mailles, armures passées au Miror et perruques aux boucles sauvages
cascadant sur les épaules – Deborah Voigt n’a ni le timbre ni la ligne
vocale rayonnante que l’on attend de Brünnhilde.
Sa vaillance
certaine ne triomphe qu’aux dépens de la justesse parfois, du charme
souvent, de la musicalité presque toujours. En revanche, ses sœurs les
Walkyries ne sont jamais ces mégères glapissantes auxquelles nous condamne
trop fréquemment la célébrissime Chevauchée. Prouvant que, bien chantée,
cette page est d’une vigueur somptueuse mais non brutale.
Les
spectateurs des salles de cinéma pourront goûter pleinement les atouts de la
production. Déliée, colorée, soucieuse de ne jamais écraser les chanteurs
sous le flot orchestral, la direction de James Levine est de celles qui
avancent sans lourdeur, épousant l’élan dramatique. Peut-être, notamment au
Ier acte, un zeste de lyrisme supplémentaire eût magnifié encore davantage
l’émotion de cette partition incroyable.
Prochain épisode de ce «
Ring » le 5 novembre 2011
D’autant qu’aux côtés de la
frémissante Sieglinde d’Eva-Maria Westbroek, le magnifique – à tous les sens
du terme – ténor Jonas Kaufmann incarne un Siegmund irrésistible. Pour sa
prise de rôle, l’artiste traîne aussitôt tous les cœurs après soi. Son
timbre sombre et pourtant irradiant creuse les notes graves tandis que les
aigus éclatent comme des soleils, soudain voilés de nuances d’une douceur
troublante dont il a le secret.
Autre « vedette » masculine
de la Walkyrie , la basse Bryn Terfel campe un Wotan dont on ne doute pas
une seconde qu’il est le dieu des dieux, le maître du tonnerre. Sa stature
majestueuse s’accommode sans l’ombre d’un ridicule du costume « too much »
dont il est revêtu. Sa voix mordante sur l’ensemble de la tessiture et sa
diction superlative nourrissent le feu dont il enflamme son personnage de
père sacrifiant successivement ses deux enfants.
À la fin du IIIe
acte, ses adieux à sa fille tant aimée sont à la fois superbes et
bouleversants, laissant l’auditeur pantois. Et reconnaissant face à tant
d’intense splendeur.
On l’attend maintenant avec impatience dans
Siegfried , le prochain épisode de ce Ring new-yorkais, retransmis le 5
novembre 2011. Une séance parmi les onze que prévoie la 6e saison
(2011/2012) de « The Metropolitan opera on the big screen » (le Metropolitan
sur grand écran)… Elle s’ouvrira le 15 octobre sur Anna Bolena de Donizetti,
là encore avec une constellation lyrique !
À voir la page consacrée
au cycle de Wagner sur le site du Met, une mine de renseignements, de
vidéos, d’interviews, où se perdre avec délectation.
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