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Resmusica.com, 26/01/2010 |
Nicolas Pierchon |
Massenet: Werther, Paris, 23-I-2010
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Enfin Werther !
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Enfin Werther ! Non que l’œuvre soit peu donnée à Paris – on a pu l’entendre
sur la même scène il y a moins d’un an – mais rarement dans un tel souci de
cohérence et de vérité de l’œuvre. Enfin un jeune poète beau et élancé
– et une Charlotte au diapason, superbement costumée par Christian Gasc –,
enfin un ténor sacrifiant les éclats de voix garants d’un succès facile à la
représentation de la souffrance toute intériorisé du jeune Werther !
Peut-être parce qu’un homme de cinéma est aux commandes de cette production
? Benoît Jacquot, déçu par la distribution visuellement peu crédible de ce
spectacle lors de sa création à Londres en 2004, met en scène aujourd’hui à
Paris un opéra qui bénéficie des acquis du cinéma. Il ne suffit plus de bien
chanter, il faut encore être crédible. Et ses héros sont de magnifiques
personnages romantiques bien plus propres à émouvoir que les petits tonneaux
qui s’époumonnent sur les plus prestigieuses scènes du monde. Werther et
Albert sont pleins de prestance, Charlotte et Sophie belles et
complémentaires. La direction d’acteurs, constamment juste, donne au genre
une richesse qu’on lui connaît rarement, citons seulement le jeu sur les
mains de Werther et de Charlotte qui se cherchent sans parvenir à se trouver
durant les premiers actes.
Qu’ajouter aux guirlandes de louanges déjà tressées par les confrères si
ce n’est nous borner à confirmer la réussite totale de ce spectacle, due à
sa grande cohérence ? Jonas Kaufmann approche de l’idéal dans une parfaite
compréhension du héros romantique – et quelle diction française, et quelle
musicalité ! Sophie Koch est une Charlotte brûlante qui touche
immédiatement, même si elle frôle parfois le surjeu, en comparaison
notamment d’un Werther tout intériorisé. Ludovic Tézier et Alain Vernhes
sont, comme à leur habitude, des personnages parfaitement justes et des
modèles de chant français. Il faut encore saluer, en plus de seconds rôles
bien en place, la ravissante Sophie d’Anne-Catherine Gillet. Après avoir
réussi à rendre intéressant le personnage de Micaëla l’an passé à l’Opéra
Comique, Anne-Catherine Gillet parvient ici à faire exister celui de la
deuxième de la fratrie. Le couple de sœurs fonctionne à merveille et cette
Sophie est aussi rafraîchissante en feu follet qu’émouvante en amoureuse
ignorée de Werther. Enfin, Michel Plasson fait vivre dans la fosse un son
qui n’appartient qu’à lui, ces fameuses couleurs qui sont sa signature dans
la musique française. Lui non plus ne cherche pas l’éclat, mais délivre
avec l’excellent orchestre de l’Opéra de Paris des couleurs automnales à
l’unisson des décors pastels et d’un ténor à faire pleurer les plus
hermétiques au Romantisme gœthéen. |
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