Le Journal du Dimanche, 15 Janvier 2010
Massenet: Werther, Paris, 14. Januar 2010
Werther : La plus belle voix au monde
 
A part quelques huées adressées au metteur en scène, histoire de ne pas perdre les mauvaises habitudes, la première du Werther de Massenet, hier soir, à La Bastille a été un triomphe, celle des voix, de l’orchestre et du chef.
 

Le héros de la soirée est le ténor allemand Jonas Kaufmann. Bien qu’il sorte épuisé de la fameuse mauvaise grippe au point d’avoir renoncé à chanter lors de la répétition générale, il a, hier soir, ébloui par une voix qui est sans doute la plus belle au monde, fulgurante, puissante avec un timbre rauque, une douceur ardente et poétique. Il a en outre tout pour lui : il est idéalement romantique avec un physique de jeune premier ombrageux, cheveux bouclés, regard langoureux. Sa diction en français, alors qu’il est de langue allemande, est impeccable. On comprend tout ce qu’il chante. Le fameux air "Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps" a été accueilli dans un silence intense. A ses côtés la mezzo Sophie Koch (Charlotte) et la soprano Anne-Catherine Gillet (Sophie) ont créé une émotion d’une qualité rare.

Cordes soyeuses, harpe somptueuse (le harpiste de 25 ans Emmanuel Ceysson est nominé aux Victoires de la musique classique) l‘orchestre de l’opéra donne une version d’anthologie, sous la baguette du spécialiste de la musique française, le maestro Michel Plasson qui n’avait pas dirigé à l’Opéra de Paris depuis quelque trente ans et jamais à la Bastille. Comment, pourquoi va-t-on si souvent chercher des chefs à l’autre bout du monde, alors que quelques uns des meilleurs, comme Plasson, comme Georges Prêtre, adulés à l’étranger, semblent exclus des scènes nationales ? Un mystère.

Sifflée la mise en scène de Benoît Jacquot ne le mérite pas. Certes, elle est en permanence au premier degré. Pour raconter aujourd’hui, notamment aux jeunes, une histoire aussi mièvre et nunuche que celle de Werther, peut-être faut-il un peu d’ironie et d’humour. Le cinéaste n’en montre jamais. Les décors passe-partout sont parfois beaux, l’un d’eux faisant référence à un tableau de Vermeer. La direction des chanteurs est subtile. Qu’est-ce qui manque ? Le romantisme. Benoît Jacquot va superviser la captation de ce Werther pour Arte, en direct le 26 janvier. Il est à parier que les téléspectateurs seront plus chanceux que les spectateurs de Bastille: il sait manier une caméra et rendra sans doute mieux les affinités électives des personnages adaptés de très loin des Souffrances du jeune Werther de Goethe.






 
 
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