Classica, février 2011
Jérémie Rousseau
Cilea: Adriana Lecouvreur, ab 18. November 2010
 
Glamour - ANGELA, JONAS ET ADRIENNE
 
LA SOPRANO CHANTAIT À LONDRES SA PREMIÈRE ADRIENNE LECOUVREUR. UN SPECTACLE DE HAUT VOL.
C'est l'événement lyrique de la saison. Voir et entendre Angela Gheorghiu et Jonas Kaufmann, le couple le plus glamour du moment, a fait courir le monde entier au Covent Garden, et les six représentations d'Adrienne Lecouvreur affichent complet. C'est en novembre 2004, à Londres déjà, et dans La Rondine de Puccini, que Gheorghiu et Kaufmann se sont rencontrés. Depuis, ils se sont retrouvés dans La Traviata (New York 2006, Scala 2007 et Munich 2009) et ont enregistré, à Rome à l'été 2008, la grande version moderne de Madame Butterfly. Ce 4 décembre 2010, au Royal Opera, l'ambiance est électrique. De nombreux Français ont fait le voyage, pas sûrs de revoir le spectacle dans la même distribution lorsque ses coproducteurs (les Opéras de Barcelone, Vienne, San Francisco et Paris) le reprendront on sait d'ores et déjà que Jonas Kaufmann ne participera à aucune des quatre reprises annoncées! Absent de Covent Garden depuis 1906, l'opéra de Francesco Cilea est de ces ouvrages fragiles qui peuvent au mieux ennuyer, au pire s'effondrer en l'absence d'une diva pour le porter. Si Maria Callas l'a ignorée, Magda Olivero, Montserrat Caballé, Raina Kabaïvanska ou Mirella Freni ont passionnément défendu cette grande amoureuse, tragédienne au verbe haut et lointaine cousine de Tosca dont les mots doivent savoir fouetter et griffer.

Scéniquement plus sage que les prime donne qui ont marqué le rôle, Angela Gheorghiu trouve ses meilleurs moments dans les passages élégiaques - les duos avec Maurizio ou encore l'air final « Poveri fiori ». La soprano sculpte les sons avec un soin maniaque et campe une Adrienne frémissante, plus vulnérable sûrement que ses devancières mais avec une personnalité infiniment plus marquée que n'importe quelle titulaire actuelle (Micaela Carosi ou Maria Guleghina, par exemple). Olga Borodina incarne la redoutable
Princesse de Bouillon.

Face à elles, Jonas Kaufmann offre un rayonnement vocal incomparable à Maurice de Saxe : la musique prime chez ce ténor princier qui phrase et nuance à s'en délecter et lance des aigus claironnants. Triomphe. Et puis le comédien est engagé : Kaufmann est de ceux qui jouent «juste », emportant de sa fougue les pudeurs naturelles de sa partenaire. Attentif au théâtre, le chef Mark Elder veille à l'équilibre général d'un plateau où chacun trouve sa place, dans la polyphonie sans failles réglée par David McVicar. Un spectacle « en costumes » d'un goût exquis, sans une once de boursouflure ni de vulgarité, où le décor astucieux de Charles Edwards - régal pour l'oeil - résout en virtuose les quelques écueils pirandelliens de la pièce.


 






 
 
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