Altamusica
Monique BARICHELLA
 
Nationaltheater, München Le 19/07/2009
 
Un Lohengrin de rêve qui vire au cauchemar
 
Nouvelle production de Lohengrin de Wagner mise en scène par Richard Jones et sous la direction de Kent Nagano au festival d’opéra de Munich 2009.
 
Intense déception à Munich où le premier Lohengrin ô combien attendu de Jonas Kaufmann a été gâché par le ratage absolu d’une production hors de propos. Comble de malheur, le ténor, malade, n’a pu chanter le troisième acte lors de l’ultime des cinq représentations programmées dans le cadre du festival de la capitale bavaroise.

Le premier Lohengrin de Jonas Kaufmann était attendu comme l’événement incontournable des festivals lyriques de l’été 2009. Avant Bayreuth dans une nouvelle production prévue en 2010, le ténor allemand avait choisi Munich pour cette prise de rôle décisive dans une carrière modèle. Un sans-faute confirmé par les commentaires de la presse après la première du spectacle le 5 juillet.

En revanche, la production signée par Richard Jones a été majoritairement fort mal accueillie. On se réjouissait d’autant plus de découvrir ce Lohengrin que sa distribution entière était de premier ordre et qu’il ne faut jamais avoir d’a priori sur une mise en scène chahutée, même si l’on sait Richard Jones capable du meilleur – sa corrosive Lady Macbeth de Chostakovitch à Covent Garden –, comme du pire – son Macbeth de Verdi à Glyndebourne.

Dès le hall d’entrée du Nationaltheater, le ton semble donné : on remet au spectateur un avis de recherche comportant la photo d’un adolescent disparu. À chacun de comprendre qu’il s’agit en fait de Gottfried von Brabant ! Malheureusement, alors que ces mêmes prospectus sont placardés au-dessus de l’avant-scène, il s’agit d’une fausse piste totale : Richard Jones n’a pas transformé Lohengrin en thriller ou en polar ; le sort du petit frère d’Elsa est même le cadet de ses soucis !

Pendant le début d’un prélude qui révèle des cordes bien incertaines, le décor ouvert nous montre une sorte de pont métallique dans un chantier où un ouvrier vu de dos dessine les plans d’une maison sur une table de travail. Pour notre malheur, nous découvrirons peu après qu’il s’agit d’une ouvrière en salopette, laquelle n’est autre qu’Elsa. La plus totale confusion règne d’abord quant à la relecture du metteur en scène britannique, qui nous égare avec des miliciens brutalisant Elsa et un Héraut juché en haut d’un escabeau devant une caméra qui reproduit son visage caricatural en gros plan.

L’arrivée de Lohengrin en jogging et t-shirt bleu ciel mais portant un cygne grandeur nature n’arrange rien : les deux amants se mettent à la truelle et, de scène en scène, nous voyons s’élever progressivement leur demeure bâtie avec l’aide de travailleurs portant ostensiblement un large tablier. Est-ce une coïncidence si l’on relève divers éléments maçonniques dans ce spectacle puéril et prétentieux prônant les bâtisseurs d’un ordre nouveau ? On a vu bien pire dans la laideur comme le ridicule, plus dérangeant aussi, à Munich ou ailleurs, y compris à Bayreuth avec le Parsifal de Schlingensief.

Mais ce pseudo intellectualisme irrite d’autant plus qu’il gâche le plaisir d’entendre des voix superbes. Seulement, on nous a annoncé au lever de rideau que Jonas Kaufmann, victime d’un refroidissement, ferait de son mieux… En attendant l’arrivée hypothétique d’un remplaçant mandé d’urgence. Pourtant, la voix de la star semble égale à elle-même, sans la moindre défaillance bien qu’avare de ses nuances habituelles.

Une direction parfois tonitruante

D’ailleurs, tout le monde a tendance à chanter en force, en accord avec la direction plus énergique qu’inspirée, parfois tonitruante et épaisse d’un Kent Nagano qui ne réussit pas à éviter de constants flottements avec les chœurs, même si l’orchestre sonne majestueusement.

On espérait donc que Kaufmann irait jusqu’au bout. Hélas, le troisième acte, celui qui comporte l’essentiel de la partie vocale de Lohengrin, vire au cauchemar. Placé à cour, le remplaçant en complet veston chante sans partition mais avec une voix particulièrement ingrate. Sur scène, nous avons droit à l’assistante du metteur en scène travestie dans le costume de noces (velours noir, chemise blanche, style sicilien) de Lohengrin. Sans jouer ni ouvrir la bouche, elle assure la scénographie pour sauvegarder l’essentiel afin que nous ne repartions pas idiots.

Nous verrons donc la maison modèle bavaroise achevée avec son parterre fleuri, l’installation du lit d’enfant au premier étage et le rêve d’une vie casanière s’envoler en fumée avec l’incendie du lit nuptial arrosé d’essence. À la fin, Lohengrin reviendra avec un bambin recroquevillé dans ses bras : ô déception, ce n’est pas l’adolescent recherché par la police !

Compliments à l’Elsa intense d’Anja Harteros, au Telramund puissant et mordant de Wolfgang Koch, au Heerufer d’Evgeny Nikitin, méconnaissable sous sa perruque rousse et ses épaisses lunettes, et même à Michaela Schuster dont l’Ortrud en parfait sosie d’Ève Ruggieri ne démérite que dans les hurlements de la scène finale.






 
 
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