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Altamusica |
Gérard MANNONI |
Récital, Palais Garnier, Paris, le 09/11/2008
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L’art du Lied au sommet
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Récital du ténor Jonas
Kaufmann accompagné au piano par Helmut Deutsch à l’Opéra de Paris. |
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Avant
d’incarner Florestan dans la nouvelle production de Fidelio qui débutera le
25 novembre à l’Opéra de Paris, Jonas Kaufmann donne dans le cadre du
récital une magistrale leçon de chant et d’interprétation devant un très
nombreux public emplissant le Palais Garnier. Triomphe sans ombre malgré un
programme Liszt-Britten-Strauss sans concessions.
Si ses derniers triomphes sur les grandes scènes internationales aux côtés
des stars féminines du monde lyrique et le succès de ses enregistrements
chez Decca ont fait de lui en quelques mois le ténor vedette dont tout le
monde parle, c’est avec un programme axé sur la seule musique que Jonas
Kaufmann a repris contact avec le public parisien.
Dans la salle du Palais Garnier où il avait triomphé au printemps 2007 dans
la Traviata, il se présente avec un programme d’où sont bannies toutes
concessions aux effets de voix d’habitude chers au ténors. Mélodies de
Liszt, de Britten et de Strauss, ce répertoire ne peut s’imposer que si l’on
possède non seulement une maîtrise absolue des possibilités de la voix mais
aussi un enracinement réel, viscéral, atavique, dans la culture du Lied.
Comme les grands spécialistes des années 1950 et 1960, qui, peu nombreux
d’ailleurs, redonnèrent au public le goût des Lieder de Schubert, Schumann,
Brahms, Strauss et Wolf notamment, Kaufmann est né et a grandi en Allemagne,
où l’on baigne très tôt dans ce contexte musical de manière quasi permanente
et naturelle. C’est irremplaçable.
Mais encore faut-il posséder aussi quelques qualités rarement rassemblées
chez un même artiste, à savoir l’instinct, l’intelligence analytique du
texte et de la musique, la technique superlative permettant de traduire
toutes les intentions que ladite intelligence vous a permis de lire et de
comprendre.
Il faut bien reconnaître que Jonas Kaufmann a tout cela au plus haut degré,
ce qui rend un récital comme celui qu’il vient donner un moment de musique
totalement exceptionnel, comme ceux que l’on connut avec les quelques grands
noms d’après-guerre.
Il serait fastidieux d’entrer dans l’analyse précise de toutes les mélodies
chantées, même si, pour en retenir juste quelques unes en particulier, on
pourrait citer les Trois sonnets de Pétrarque mis en musique par Liszt,
chantés dans le grand style romantique, avec une générosité vocale par
instants prémonitoire de l’Otello qui se profile dans la carrière du ténor,
ou, à l’opposé, Nachtgang ou Morgen de Strauss, émis dans des demi-teintes
et des pianissimi impondérables qui relèvent du plus grand art.
Et entre les deux, toutes les nuances possibles, avec plus ou moins de
timbre, voire carrément de la voix de tête, des forte charnus et riches, une
mezza voce impalpable, bref, tout ce que la voix peut modeler et moduler
pour traduire les couleurs et les intentions de poèmes mis en musique et
sans que la qualité de la voix ne s’altère jamais, sans que le souffle
semble peiner.
Magnifique musique aussi, les Sept sonnets de Michel-Ange de Britten sont
abordés avec cette variété expressive qui ne laisse jamais en repos
l’émotion de l’auditeur. Helmut Deutsch est, comme l’an dernier au mémorable
récital du Grand Théâtre de Bordeaux, le compagnon de route positif,
coopératif et sécurisant que l’on sait.
Ajoutons encore que le comportement scénique du ténor est exemplaire de
simplicité expressive. Pas un geste, pas une mimique de trop ou de pas
assez, juste ce que le visage et le corps peuvent exprimer spontanément
quand on vit la musique avec intensité de l’intérieur. Au mois de mars, dans
la série des Grandes Voix au Théâtre des Champs-Élysées, Jonas Kaufmann nous
gratifiera de l’autre aspect de son assez incroyable talent, avec les grands
airs d’opéra qu’il chante du Met à la Scala, de Covent Garden à Vienne, de
Berlin à Paris. On y sera ! |
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