AFP, 26 novembre 2008
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
"Fidelio" retrouve l'Opéra de Paris avec Jonas Kaufmann
© fedephoto, Agathe Poupeney
"Fidelio" de Beethoven, oublié par l'Opéra de Paris depuis plus d'un quart de siècle, l'a retrouvé mardi soir avec une nouvelle production qui vaut surtout pour sa distribution, dominée par le Florestan sans rival connu du ténor allemand Jonas Kaufmann.

Le Belge Gerard Mortier a voulu faire de ce spectacle très attendu, joué jusqu'au 21 décembre à guichets fermés au Palais Garnier, un événement de sa cinquième et dernière saison à la tête de la maison: la première de "Fidelio", son opéra préféré, a d'ailleurs été programmée le jour de son 65e anniversaire.

Pour que la fête soit réussie, l'intendant flamand a installé dans la fosse de Garnier un fidèle, le Français Sylvain Cambreling, et fait appel à l'un de ces hommes de théâtre novateurs qu'il affectionne, le Néerlandais Johan Simons.

Mais chef d'orchestre et metteur en scène ne concourent qu'imparfaitement à la réussite de la soirée.

Le premier opère, à des fins de cohérence dramaturgique et musicale, des modifications dans la version de 1814, qu'il fait débuter par l'ouverture "Leonore I", méconnue mais convaincante, et dont il complète la première partie par un trio émanant de la première mouture de l'oeuvre (1804).

Le geste volontaire de Sylvain Cambreling est cependant trop avare en nuances pour rendre justice à l'unique opéra de Beethoven, chef-d'oeuvre fragile qu'il achève sur un finale pompier, faisant sombrer le choeur dans une course de vitesse doublée d'un concours de décibels éprouvant.

La mise en scène de Johan Simons s'appuie sur de nouveaux dialogues dus à l'écrivain allemand Martin Mosebach, qui ne dénaturent pas le combat de Leonore/Fidelio pour faire libérer son époux Florestan mais semblent étrangement allonger le propos.

Ailleurs partisan d'un théâtre radical et remuant, chahuté lors de ses débuts à l'Opéra de Paris en mai 2006 pour un "Simon Boccanegra" de Verdi façon campagne électorale à la Berlusconi, Johan Simons paraît ici bien sage.

Comme s'il se tenait en retrait du travail de son scénographe et éclairagiste flamand Jan Versweyveld, qui développe un décor contemporain et réaliste (loge du gardien, cour des détenus, monumental escalier descendant au cachot) sous des lumières projetant l'angoisse carcérale sous forme d'ombres.

Les costumes de la Belge Greta Goiris sont dans des teintes froides et ternes, hormis la fraîche Marzelline, fille du geôlier, dont la robe fleurie contaminera in fine, au risque du ridicule, les tenues des dames du choeur.

L'équipe vocale sauve aisément la soirée, si l'on fait exception de la Leonore de la soprano allemande Angela Denoke, scéniquement émouvante mais à court d'aigu et d'intonation.

Le baryton-basse américain Alan Held est souverain dans le rôle du gouverneur Pizarro, brutal et cynique, la basse allemande Franz-Josef Selig une merveille d'équilibre dans la peau du geôlier Rocco, prix entre deux feux.

Florestan n'entre en scène qu'au deuxième acte, mais il touche au coeur d'emblée, dès un "Gott !" ("Dieu !") saisissant, quand il a le timbre sombre et la présence de Jonas Kaufmann, dont la projection insolente survit aux postures les plus inconfortables (il chante ici partiellement étendu).

Un chanteur sur les traces, et peut-être même au-delà, du grand ténor canadien Jon Vickers, dernier tenant du rôle à l'Opéra de Paris, en 1982.






 
 
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