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Julian Sykes
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/décembre 2008
«Fidelio» rime avec Guantánamo
L'opéra de Beethoven est monté à Paris par Johan Simons

Beethoven ne laisse qu'un seul opéra. Fidelio lui coûta bien des efforts. Le compositeur, qui était davantage versé dans la musique instrumentale que dans la musique vocale, est parvenu à ses fins. Et avec quel souffle! Adapté d'une «pièce à sauvetage» du Français Jean-Nicolas Bouilly, Fidelio raconte la libération d'un prisonnier politique (Fidelio ?!?) par son héroïque femme (Léonore) qui se déguise en jeune homme pour se faire engager comme aide du geôlier Rocco. C'est un hymne à l'amour conjugal, mais aussi à l'amour universel, où Beethoven exprime ses grands idéaux utopiques de liberté et de fraternité.

Il ne faut pas oublier que l'opéra a été créé en pleines guerres napoléoniennes. Vienne était sous l'occupation française et, si la première fut un échec retentissant (les officiers français ne comprirent rien à l'ouvrage), Beethoven remania à plusieurs reprises son ouvrage. Non plus trois actes, mais deux actes, qui commencent sur le ton du Singspiel et progressent vers le grand opéra et le drame politique. Le pur et noble amour vainc souffrance et injustice. La tyrannie qu'incarne le sinistre gouverneur Pizzaro est écartée enfin par le ministre Fernando, une sorte de deus ex machina qui rend possible la libération de Florestan.

Pour le spectacle de Johan Simons, l'écrivain allemand Martin Mosebach a écrit de nouveaux textes déclamés. Ces textes étoffent la pensée derrière l'ouvrage. «Ils nous permettent de mieux souligner le drame d'idées que Beethoven avait en tête», explique le metteur en scène hollandais. Johan Simons compare Florestan aux prisonniers de Guantánamo. Un «homme cassé, mourant», soumis à la torture, «tenu prisonnier sur la base de vagues accusations politiques». «Son action est bridée mais ses pensées demeurent libres. C'est ce qui caractérise les grands leaders politiques, comme Nelson Mandela par exemple.»

Le ténor allemand Jonas Kaufmann, qui marie à la ligne ferme et chaude un aplomb superbe (Fidelio ?!?), Angela Denoke (Léonore), Franz-Josef Selig (Rocco) et Julia Kleiter (Marcelline) sont les principaux acteurs de ce drame mené par le chef français Sylvain Cambreling.






 
 
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