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Altamusica.com |
Yannick MILLON |
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/décembre 2008 (28
novembre)
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Le prix de la liberté
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Nouvelle production de Fidelio
de Beethoven mise en scène par Johan Simons et sous la direction de Sylvain
Cambreling à l’Opéra de Paris. |
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Relatif
succès pour ce nouveau Fidelio de l’Opéra de Paris, qui n’avait pas
programmé l’unique ouvrage lyrique beethovénien depuis 1982. Si les
dialogues réécrits par Martin Mosebach et la mise en scène de Johan Simons
parviennent à susciter l’intérêt, le plateau, de très belle qualité, est mis
à rude épreuve par les crispations de la battue de Sylvain Cambreling.
Décidément, la collaboration entre Sylvain Cambreling et l’Orchestre de
l’Opéra de Paris aura tourné à chaque occasion à un méchant jeu de « je
t’aime moi non plus », de coups bas, d’humiliations et de défiance. Le chef
français risque d’ailleurs de garder un souvenir traumatisant des cinq
saisons passées à Garnier comme à Bastille, et de vivre comme un soulagement
la fin de l’ère Mortier à Paris.
Si l’on s’en tient à l’artistique pur, le bilan de Cambreling en fosse dans
la capitale restera très mitigé : des Mozart d’une incommensurable raideur
auront côtoyé, entre autres, un très beau Pelléas, un magnifique
St-François… Pour ce nouveau Fidelio, c’est malheureusement les défauts des
Mozart qui prévalent. À force de vouloir tout contrôler, trancher,
décortiquer, désosser même, la battue tourne au matraquage analytique en une
totale absence de nuances piano et des lenteurs de plus en plus
insoutenables au fil de la soirée, seulement atténuées par certains tempi
cravachés en contraste – le chœur final.
Pourtant, on aura noté sporadiquement de belles couleurs dans quelques
ensembles où enfin le geste respire, et une réelle énergie, aussi crispée
soit-elle. Mais ce qui manque le plus à cette direction corsetée jusqu’à la
paralysie, c’est le naturel du flux et le sens de la fluidité musculaire,
impossible eu égard à la tension des relations avec les musiciens. Dommage,
car il est jusqu’au plateau, excellent dans l’ensemble, d’en pâtir.
Dans la tradition des sopranos lyriques-légers allemands juste assez
aiguisés juste assez ronds, Julia Kleiter doit forcer ses moyens devant un
orchestre trop sonore et voit sa Marzelline bousculée par le bâtonnage du
chef, peinant à tenir la mesure autant qu’à laisser épanouir un matériau
charmant. Le Jaquino d’Ales Briscein bénéficie en revanche comme peu de la
franchise d’une émission percutante à souhait.
Le plus acclamé aux saluts, le Rocco de Franz-Josef Selig compte parmi les
plus complets et musicaux qu’on ait entendus, gardien bourru autant que père
tout en onction, soumis autant que révolté, d’un art de diseur élevé à
l’oratorio, d’une capacité à l’allègement qui font des miracles au quatuor.
Paul Gay est un Fernando aux moyens peut-être un peu minces mais à la belle
ligne et à la noblesse certaine, tandis qu’Alan Held expose un instrument
qui n’est que métal et projection, au service d’un Pizarro implacable et
terriblement sonore.
Et si Angela Denoke propose une Leonore aimante jusqu’à la douleur qui peut
encore assurer à défaut de triompher, dont les contorsions s’accompagnent de
bien pénibles grimaces et d’un vibrato-hululement contaminant l’intonation
de vocalises à l’aveuglette et laissant présager une funeste évolution,
Jonas Kaufmann est un Florestan parmi les plus crédibles : pétri des éclats
d’une émission verrouillée qui n’accouche pas des plus beaux sons du monde
mais en accord avec la bête agonisante présentée en scène, le Heldentenor en
devenir surmonte sans souffrir une tessiture démente.
Scénographie clinique
Pour conventionnel qu’il soit, le travail théâtral de Johan Simons, auteur
d’un Boccanegra d’une vacuité absolue à la Bastille, existe cette fois bel
et bien – avec enfin un Florestan encore salement amoché au tableau final –,
profitant avec un certain classicisme dans la direction d’acteurs d’une
scénographie clinique à mi-chemin entre l’hôpital et la prison high-tech,
avec portes à cartes magnétiques et guérite remplie de caméras de
surveillance, jouant au mieux d’éclairages rasants et du pouvoir expressif
des jeux d’ombres – une Leonore comme implorante au-dessus de l’escalier
menant au cachot de son époux.
Quant à la réécriture des dialogues, plutôt habile et prenant toujours sa
source dans le texte des passages chantés, elle permet notamment un Pizarro
schizophrène des plus inquiétants, entre Gollum et le Dr Mengele. Et si l’on
peut regretter un rythme des dialogues plombé de silences, et une Marzelline
jolie idiote qui cauchemarde « d’un vrai homme, avec du poil et une haleine
avinée », force est de constater que le spectacle se tient, et que les choix
dramaturgiques de Cambreling – ouverture Leonore I, puis air de Marzelline,
puis duo, puis trio issu de Leonore, puis quatuor avant la suite naturelle
du I –, sans être décisifs, tiennent le choc dans un spectacle sage mais qui
se regarde avec un réel intérêt, quand bien même il s’achève comme tant de
Fidelio, les solistes et les chœurs en frontal immobile à l’avant-scène. |
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