Le Journal du Dimanche, 29 Novembre 2008
Nicole DUAULT
Beethoven: Fidelio, Paris, Palais Garnier, novembre/dècembre 2008
Fidelio: Trio de rêve et orchestre de plomb
L'accueil fait à Fidelio par le public du Palais Garnier tranche sur les mauvaises manières: des applaudissements nourris, polis, pas un sifflet. La production fétiche de ce début d'année n'est pourtant pas un chef d'oeuvre mais affiche un trio de choc.
Trois chanteurs au sommet de leur art: un méchant de rêve, la basse américaine Alan Held qui joue Pizarro, le redoutable gouverneur de la prison avec une puissance vocale et une intensité dramatique étonnantes. Le gentil de rêve qui chante Rocco, le gardien de prison sensible, est l'Allemand Franz Josef Selig. Particularité: lorsqu'il n'est pas sur la scène du Palais Garnier, il chante à la Bastille, le roi Marke dans Tristan et Isolde.

C'est un vrai tour de force qui ne trouble pas ce monumental artiste de 1m 89 pour 125 kilos! Le rêve des rêves, c'est Florestan, le ténor allemand Jonas Kaufman (39 ans). Connu depuis longtemps à Paris, il a pris en quelques saisons une ampleur vocale et une intelligence scénique tout à fait fascinantes. Avec une diction impeccable, il structure, sculpte chaque mot. Quand, dans la profondeur de sa prison, il prononce comme dans un râle ce "Gott" qui débute son air, on sent la salle frémir. C'est magnifique. Voici Kaufman, véritable ténor héroïque, devenu - son physique de beau romantique ne gâche rien - la nouvelle coqueluche du lyrique.

Le rôle très difficile de Léonore ne convient guère à la belle soprano Angela Denoke que l'on a entendue plus à l'aise. La production signée du metteur en scène hollandais Johan Simons est plutôt fadasse et sans imagination: la prison de Florestan est aussi riante que la Santé. Au final, les choristes enlèvent leurs manteaux et dévoilent des robes à fleurs d'une régalante cucuterie. Quant aux textes parlés, ils ont été adaptés à notre époque mais enfilent les poncifs. Le chef Sylvain Cambreling qui a fait de l'ouverture un méli mélo des diverses versions de Beethoven, dirige sans nuances, à la matraque. On l'a connu plus inspiré. Et pourtant, dans cette lourdeur, émerge la puissance et l'émotion de l'hymne à la liberté et à l'amour qu'est Fidelio.






 
 
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