ResMusica, 01/08/2008
Hubert Stoecklin
Concert, Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, 07/31/2008, Natalie Dessay, soprano, Jonas Kaufmann, ténor
Dessay et Kaufmann à demi présents
Du côté des spectateurs, tout était là pour faire du concert un moment rare. Affiché complet depuis longtemps, des spectateurs en quête de places arpentaient devant l’entrée du Corum bien avant 20 heures. L’affiche est belle sans aucun doute. Le succès programmé a été au rendez-vous. Un malaise persiste pourtant...

En annonçant que ce concert serait pour elle l’avant-dernier, sinon le dernier, Natalie Dessay a dû en étonner plus d’un sur les ondes de France Musique. Pourtant force est d’admettre qu’elle a entièrement raison. Voilà un genre hybride dont l’artifice a été éclatant hier soir, porteur de beaucoup trop d’insatisfactions et qui ne lui convient plus. Cachés derrière leurs pupitres (pour des rôles déjà donnés sur scène !) où étaient les acteurs-chanteurs que nous connaissons et aimons en Natalie Dessay et Jonas Kaufmann ? Privés de la scène, ils n’ont pu donner qu’une infime partie de leur art. La rencontre entre ces deux voix n’a de plus pas apporté l’incandescence attendue dans de tels duos d’amour, le couple n’a pas été au rendez-vous espéré. C’est là que la question du saucissonnage inévitable lié au genre du concert lyrique a été fatale. Pièce symphonique, air, duo, pièce symphonique, air etc... la tension dramatique est détruite, les styles musicaux et les ambiances se suivent sans solution de continuité.

Ce concert n’a pas fonctionné, très différent de celui donné, par exemple par Natalie Dessay en 2006 à Toulouse ou à Paris avec Rolando Villazon et dans un programme semblable. Le choix des pièces symphoniques n’a pas convaincu malgré une recherche d’originalité, et n’a pas entraîné plus qu’une écoute polie. L’ouverture, le Carnaval Romain tiré par Berlioz de son opéra Benvenuto Cellini a donné d’emblée le meilleur avec un cor anglais sublime et une belle énergie habilement dosée par le chef. Le pire a été le ballet d’Otello pour l’acte III (écrit probablement sous contrainte par Verdi), qui en fin de concert a porté à l’agacement, la partition très faible a en effet été jouée par un orchestre en toute petite forme. Le chef danois passe pour être un habile musicien. Michael Schønwandt, a une gestique délicate et précieuse mais qui ce soir a été sans grand effet sur l’orchestre. Et il est tout de même arrivé à couvrir les chanteurs çà et là ! Que dire des chanteurs ? Ce sont tous les deux d’admirables musiciens, qui conscients de leurs limites en tirent des effets intéressants. De Manon, Natalie Dessay s’est approprié le personnage à la scène, Juliette également et sur les plus grandes scènes et ce soir, les personnages étaient là, mais juste esquissés.

Natalie Dessay était bien en voix, l’homogénéité des registres semblant stable, le médium sonore et les suraigus toujours victorieux. Sa Traviata est attendue à Santa Fé en 2009 et même si c’est dans l’air Sempre libera qu’elle a obtenu son succès personnel le plus perceptible ce soir, en raison d’une implication inhabituelle dans les vocalises folles de la fin de l’air, les phrases sont courtes et c’est là que le danger guette. Danger d’une dernière prise de rôle qui pourrait être suicidaire... est-ce la joie d’entendre un air connu parfaitement interprété qui a motivé le succès ? Ou justement ce danger que le public a senti et aimé ?? Jonas Kaufmann a une voix très étrange, qui ne s’oublie pas. Il y a des raucités dans le grave et les aigus sont parfois engorgés et serrés. Les effets qu’il en tire forcent l’admiration. Et son phrasé, ses nuances, sa manière d’utiliser la voix de tête, tout cela reste toujours très musical. Ses efforts vers une diction claire sont louables y compris en français. Mais le timbre n’a rien de séduisant, ou en tout cas, pour le Duc de Mantoue c’est très insuffisant. C’est finalement l’air de la fleur qu’il réussira le mieux, si on accepte une voix de tête très présente. Des succès personnels donc pour les chanteurs mais un duo qui ne s’est pas trouvé. Le public ravi d’entendre des airs et duos très connus a manifesté sa joie obtenant en bis, l’inévitable Brindisi de la Traviata.






 
 
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