Scènes magazine, Genève
François Jestin
Concert, Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, 07/31/2008, Natalie Dessay, soprano, Jonas Kaufmann, ténor
Natalie Dessay / Jonas Kaufmann
C’est avec une somptueuse affiche que se clôt la 24ème édition du Festival de Radio France et Montpellier, en réunissant, pour un concert donné à guichets fermés, deux des chanteurs les plus en vue du moment : la soprano Natalie Dessay, dont la notoriété n’est plus à faire, et le ténor allemand Jonas Kaufmann, de plus en plus apprécié des connaisseurs. C’est Natalie – toute blonde ce soir – qui ouvre les festivités, avec une magnifique Manon de Massenet : diction admirable, mots ciselés, variant couleurs vocales et sentiments exprimés (une touche mélancolique, presque crépusculaire sur le 2ème couplet de « Profitons bien de la jeunesse… »). Les rôles qu’elle a moins fréquentés jusqu’ici la montreront un peu moins convaincante par la suite – Juliette de Gounod, Traviata, Gilda – avec trois ou quatre débuts d’accrocs sur certains passages lents, et une gestion perfectible de son souffle.

Ses prouesses techniques sur le « Sempre libera » – vocalises, aigu final – déclencheront un début de standing ovation, mais en abordant le rôle tout prochainement au festival américain de Santa Fe, elle aura certainement l’occasion de travailler la caractérisation du personnage de Violetta, qui pour l’instant n’a pas l’air de souffrir particulièrement, ni de douter dans ses choix de vie. Dès que Jonas Kaufmann ouvre la bouche, l’auditeur est marqué par la couleur barytonale de son timbre, tout en étant capable, à l’autre extrémité, d’aigus forte éclatants. L’instrument paraît d’une robustesse à toute épreuve, mais le style est particulièrement fin, avec de magnifiques piani et pianissimi sur l’air de « La fleur », extrait de Carmen, le « E lucevan le stelle » de Tosca, ou sur le duo « Nuit d’Hyménée » de Roméo et Juliette. Remarquable dans ce répertoire – on attend avec impatience son Fidelio la saison prochaine à Bastille, et on garde espoir pour un Otello à moyen terme – il trouve immédiatement ses limites dans des emplois lyriques tirant sur le belcanto. Dans le Libiamo – unique rappel du concert ! – il escamote les modestes vocalises de sa partition, et ne fait preuve d’aucune souplesse vocale.
La soirée eut été plus belle avec une direction musicale plus adéquate. Michael Schœnwandt, à la tête de l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon, joue fort, trop fort aussi bien dans les nuances forte que piano. Le Carnaval romain de Berlioz et España de Chabrier sont ainsi plus sonores que véritablement brillants. La frontière du pompier est proche lors du Ballabile de l’Otello de Verdi, et une accélération malheureuse sur le duo de Rigoletto achève de nous convaincre que les deux stars auraient pu être mieux accompagnées pour cette fête de clôture.
Photo: Natalie Dessay, Michaël Schœnwandt et Jonas Kaufmann
© Luc Jennepin






 
 
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