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Christian Peter
Concert, Montpellier, Le Corum, Opéra Berlioz, 07/31/2008, Natalie Dessay, soprano, Jonas Kaufmann, ténor
Bouquet final
Le concert de clôture de l’édition 2008 du Festival de Montpellier affiche salle comble. Devant le Corum, les malchanceux qui n’ont pu avoir de place agitent désespérément leur pancartes, tandis qu’à l’intérieur règne une ambiance effervescente. Le public attend celle pour qui il s’est déplacé : Natalie Dessay, oubliant presque qu’elle partage l’affiche avec Jonas Kaufmann qui avait fait ici même, à l’orée de sa carrière internationale, des débuts éclatants dans Die Königskinder de Humperdinck en 2005.

Après une ouverture de Berlioz de belle facture, Natalie Dessay fait une entrée triomphale : blonde, souriante, vêtue d’une élégante robe noire, elle paraît en grande forme et cela se confirme dans la grande scène de Manon qu’elle interprète avec brio. La voix a retrouvé une aisance que l’on n’espérait plus : égale sur toute la tessiture elle a gagné en épaisseur et culmine sur un aigu radieux et facile. Dessay campe une Manon juvénile, une femme enfant insouciante et frivole, éblouie par le luxe. Cette conception du personnage est tout à fait juste –l’héroïne, après tout, n’a que seize ans- mais rencontre sa limite dans le duo de Saint Sulpice où la cantatrice ne parvient pas à trouver toutes les couleurs nécessaires pour exprimer la sensualité que suggèrent la musique et la situation. Ici, le personnage doit être une séductrice qui use de sa féminité pour faire « craquer » son amant, pas une adolescente qui demande la permission de minuit. N’importe, la voix est rayonnante et les spectateurs exultent.

Jonas Kaufmann dont le des Grieux, sobre et introverti, a paru presque en retrait parvient à s’imposer ensuite avec un air de la fleur d’une grande poésie. La ligne de chant, d’une élégance suprême est finement nuancée jusqu’au si bémol aigu qu’il chante pianissimo comme le souhaitait Bizet. Du grand art. Suit un beau duo de Roméo et Juliette dans lequel les deux interprètes n’ont aucune peine à s’identifier à leurs personnages tant physiquement que vocalement.

La seconde partie est presque entièrement consacrée à l’opéra italien. Dans Puccini, Kaufmann se montre aussi raffiné que dans Bizet, son Caravadossi lance un adieu à la vie poignant et résigné aux antipodes de ce que l’on entend habituellement dans cette page : point de sanglots ni d’aigus claironnants mais une plainte sourde, en demi-teintes, empreinte d’une nostalgie contenue.
Suivent deux extraits du premier acte de La Traviata, un rôle que Natalie Dessay va aborder l’été prochain à Santa Fe, concrétisant ainsi un rêve de longue date. A plusieurs reprises, ces dernières années, la soprano a chanté au cours de ses récitals, la grande scène de Violetta. L’interprétation qu’elle nous en propose ce soir est probablement l’une des plus abouties. Le récitatif est en situation et l’air « Ah, fors’è lui », dont elle donne les deux couplets, est particulièrement habité. La cabalette, brillante à souhait, est couronnée par un contre-mi bémol libéré de toute tension.

Enfin, le duo de Rigoletto nous fait regretter que Dessay n’ait jamais mis à son répertoire le rôle de Gilda qui lui irait pourtant comme un gant.

L’orchestre National de Montpellier sonne admirablement sous la baguette précise et inspirée de Michael Schonwandt. Le chef danois offre un accompagnement luxueux à ses solistes et propose des intermèdes orchestraux qui captent durablement l’attention. Le mélomane curieux, frustré par le manque d’imagination des deux stars dans le choix de leur programme, y trouve son compte. On n’a pas si souvent l’habitude d’entendre la musique de Franz Schmidt ou de Martucci ni le ballet d’Otello. Pour une fois, et cela méritait d’être souligné, on échappe aux sempiternelles ouvertures de La Force du destin ou du Barbier, récurrentes dans ce genre de manifestations, que l’on écoute d’une oreille distraite entre deux airs d’opéras.

Un seul bis, l’inusable « Libiamo », chanté sous une pluie de confettis, conclut cette soirée riche en émotions d’autant que Natalie Dessay avait annoncé quelques jours plus tôt qu’il s’agissait là de son avant-dernier récital.
France-Musique retransmettra ce concert le lundi 11 août à 20 heures.






 
 
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