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Opéra Magazine, décembre 2008 |
William Shackelford |
Massenet: Manon, Chicago, septembre 2008
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Chicago en délire
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Non,
Opéra Magazine ne va pas vous parler de l’accueil réservé sur les bords du
lac Michigan à Barack
Obama, le 4 novembre dernier ! Mais de la folie qui s’est emparée du Lyric
Opera, et plus généralement de la presse américaine, au lendemain de la
Manon réunissant Natalie Dessay et Jonas Kaufmann.
On connaît bien la Manon signée par David McVicar, conçue en 1998 pour
l’English National Opera, retravaillée pour le Liceu de Barcelone en 2007,
puis immortalisée en DVD la même année. Pour l’inauguration de la saison
2008-2009 du Lyric Opera de Chicago, cette éblouissante production a servi
d’écrin à une exécution musicale enthousiasmante.
À çhacune de ses apparitions en Manon, Natalie Dessay nous donne
l’impression d’aller toujours plus loin dans l’approfondissement de sa
psychologie : timide et mal à l’aise dans la cour de l’auberge, tombant
ostensiblement amoureuse de Des Grieux au premier regard, puis lancée sans
repères dans un univers d’où toute morale est bannie, et finalement broyée
par lui, Peu d’actrices, avant la soprano française, avaient su traduire
avec pareille acuité les différentes facettes de l’héroïne, parfois d’un
simple petit geste n’ayant a priori l’air de rien, mais d’une pertinence
faisant mouche à tout coup. La voix, innocente et pure comme le cristal au
premier acte, prend progressivement des couleurs plus sombres au fur et à
mesure que le drame avance, complétant un portrait parmi les plus accomplis
qu’il nous ait été donné de voir.
Dessay trouve en Jonas Kaufrnann un partenaire évoluant sur les mêmes
cimes. Avec un mélange de passion et de candeur d’emblée irrésistible, le
ténor allemand allège son émission pour coller au plus près à la jeunesse du
personnage, avant de revenir à partir du III, à son timbre naturellement
riche et barytonnant. Capable de pianissimi admirablement maîtrisés comme
d’explosions de violence d’une intensité dévastatrice, il a fait délirer
l’assistance dans «Ah, fuyez douce image», le naturel parfait de l’acteur
ajoutant à la crédibilité de l’incarnation vocale. Une prise de rôle à
marquer d’une pierre blanche dans la carrière de Jonas Kaufmann.
Le reste de la distribution est plus que solide, du Lescaut bien chantant de
Christopher Feigum au Comte sonore et idéalement distant de Raymond Aceto,
en passant par le Brétigny finement caractérisé de Jake Gardner et un
impeccable trio Poussette/Javotte/Rosette. David Cangelosi est le seul à
appeler quelques réserves. Vocalement sans reproche, le ténor américain
commet l’erreur de faire de Guillot un bouffon, en ignorant sa dimension
maléfique.
Choeurs et danseurs sont superbes, sous la baguette virtuose et inspirée
d’Emmanuel Villaume. Natalie Dessay lui a d’ailleurs rendu hommage, en
s’indinant dans sa direction au moment des saluts. |
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