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Scènes Magazine, Genève, mars
2007 |
Eric Pousaz |
Beethoven: Fidelio, Zurich, 21 janvier 2007
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Zurich : Fidelio
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En parallèle à cet oratorio haendélien, Marc
Minkowski a abordé pour la première fois au théâtre ce monument lyrique
qu’est l’unique opéra de Beethoven. Sa tâche était d’autant plus ardue qu’il
succédait ici à Nikolaus Harnoncourt, qui a assuré la direction musicale de
la nouvelle production de ce spectacle il y a une dizaine d’années sur cette
même scène. D’emblée, le chef français a proposé une approche personnelle,
plus ouvertement mélodramatique que celle du chef autrichien ; loin des
rigueurs habituelles dans les relectures à l’ancienne de cette musique, ce
Fidelio se construit presque exclusivement sur les vives oppositions
d’atmosphères qui marquent la partition : la sphère du mal, incarnée par
Pizarro, est marquée ici au sceau du jeu martelé de timbales envahissantes ;
Leonore, la femme fidèle, se voit quant à elle dotée d’un accompagnement
orchestral tout en douceur, riche en rubatos et césures signalant clairement
son ambivalente souffrance ; enfin, le monde petit-bourgeois de Marzelline
est traité comme un épisode d’opéra comique à la française avec ses bois
verts et ses cordes délicatement sensuelles. Au final, le chef – fêté par le
public – peut s’enorgueillir d’avoir jeté des ponts entre la grandiose
approche traditionnelle chère aux admirateurs du romantisme allemand du XIXe
siècle et le rigorisme cher aux chefs soucieux de redonner à Beethoven la
vigueur parfois rigide de cette partition conçue pour un effectif
instrumental réduit.
La distribution ne comprend aucun point faible si l’on excepte le Don
Fernando falot de Tomasz Slawinski. Jonas Kaufmann, dont l’étoile ne
cesse de monter au firmament lyrique, peut s’enorgueillir de pouvoir chanter
sans peine apparente toutes les notes de ce rôle éprouvant entre tous qu’est
celui de Florestan ; et de plus, il est parfaitement crédible scéniquement
dans le costume de ce prisonnier affamé… Camilla Nylund incarne une
Leonore plutôt fragile, mais son soprano clair maîtrise sans encombre les
écueils d’une musique réputée mal écrite pour la voix ; Alfred Muff est un
Pizarro claironnant, effrayant de brutalité, et Matti Salminen un Rocco
d’une noirceur abyssale. Dans les deux emplois plus légers de Marzelline et
Jaquino, on admire sans réserve la voix chaleureuse de Martina Jankova et le
ténor déjà puissant de Volker Vogel. Les chœurs et l’orchestre de l’Opéra
brillent de tous leurs feux dans ce répertoire qu’ils connaissent comme leur
poche alors que la mise en scène de Jürgen Flimm supporte sans trop souffrir
l’usure du temps. |
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