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ResMusica, 20/12/2004 |
Andreas Laska |
Gounod: Faust, Zürich, 19-XII-2004
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Faust ou Faux semblants
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Opéra de Zürich |
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Prenez un timbre
rond et chaud à la Raoul Jobin, un aigu facile et lumineux à la Jussi
Bjœrling, une intensité dramatique à la Placido Domingo et un art des
nuances à la Nicolai Gedda. Ajoutez-y une articulation précise et claire
ainsi qu’une maîtrise technique de l’instrument qui permet même une
authentique messa di voce sur un contre-ut. Ajoutez enfin un physique de
jeune premier et une présence scénique de première classe – et vous avez le
chanteur idéal pour le Faust de Gounod. En d’autres mots, vous avez Jonas
Kaufmann. Le jeune ténor munichois est décidément l’un des talents les plus
intéressants du moment. Il excelle dans Mozart, Beethoven et, tout
récemment, dans Weber. Mais il aborde avec autant de succès Verdi, Puccini
et, comme nous venons de le constater, le répertoire français. Une carrière
à suivre.
Aux côtés de Jonas Kaufmann dans cette reprise d’une production de 1997, on
retrouve une habituée de Zürich, la soprano roumaine Elena Mosuc. Elle
chante la Reine de la nuit et Luisa Miller, Lucia di Lammermoor et les
quatre femmes dans les Contes d’Hoffmann. Et elle aussi s’avère être une
Marguerite idéale. Comme peu de chanteuses, elle sait incarner, scéniquement
et vocalement, la jeune fille des actes II et III et, de façon toute aussi
convaincante, la tragédienne des actes IV et V. Elle brille dans les
vocalises de l’air des bijoux et développe une intensité dramatique
surprenante dans la scène de l’église et dans le finale. Ses piani, ses
graves, ses aigus – tout est en place, mais il ne s’agit jamais d’une pure
démonstration de qualités vocales. Au contraire, tout est au service d’une
interprétation touchante, voire émouvante.
Chanter avec de tels artistes d’exception doit être difficile. Mais Carlo
Colombara en Méphistophélès tire son épingle du jeu. Certes, la voix n’est
pas très grande et plutôt monochrome, mais il est très sûr vocalement, son
français est plus qu’acceptable et il est bon acteur. Conformément aux
intentions de feu Monsieur Friedrich, son diable est plus ironique que noir,
plus cynique que démoniaque.
Comme souvent à Zürich, les seconds rôles ont été distribués avec soin :
Oliver Widmer – malgré une indisposition annoncée – campe un Valentin
crédible (mention spéciale pour la scène de la mort), Judith Schmid chante
et joue un Siébel parfait et Katharina Peetz a trouvé le rôle de sa vie avec
Dame Marthe.
Patrick Fournillier au pupitre trouve toujours le tempo juste, dirige avec
soin et finesse. Il rend justice à tous les aspects de cette partition
complexe : aux moments intimes et aux scènes grandioses (impressionnant «
Gloire immortelle de nos aïeux » avec un chœur en grande forme), au
romantisme lyrique et aux points culminants dramatiques.
Ce qui vaut également pour la mise en scène, un des meilleurs travaux de
Götz Friedrich en fin de carrière, repris pour l’occasion par Claudia
Blersch. Décors et costumes sont aussi modernes qu’atemporels et donnent un
cadre convenable à une direction des acteurs intense et variée, conforme à
tout moment au livret et à la musique. Ainsi scène et musique se marient de
façon idéale et démontrent une nouvelle fois l’unique fascination de l’art
lyrique. |
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