Trois
airs et un duo : rien d’autre, selon ses détracteurs, à sauver dans l’Andrea
Chénier de Giordano, dramatiquement bancal et musicalement inégal, où l’on
va pour le ténor, éventuellement la soprano, plus rarement le baryton,
encore moins souvent le chef et jamais la mise en scène. Ténor star au
Covent Garden avec Jonas Kaufmann, crédible en poète torturé (au propre
comme au figuré), soprano inattendu avec Eva-Maria Westbroek, voix rugueuse,
pas du tout italienne, mais artiste inventive même dans ce rôle d’amoureuse
de convention, baryton-méchant sans surprise avec l’inévitable Zeljko Lucic,
petits rôles à l’ancienne (Rosalind Plowright, Denyce Grave), chef (Antonio
Pappano) emportant pépites et scories dans un même mouvement, metteur en
scène (David McVicar) ne cherchant pas de second degré là où il n’y en a
pas, maniant sans complexe l’image d’Epinal pour peindre une France
révolutionnaire réduite au rôle de toile de fond. Les fans de l’ouvrage ne
seront pas dépaysés, et ceux de Kaufmann seront comblés en découvrant que,
là où même Corelli, Pavarotti, Bergonzi et Domingo se contentaient de
ténoriser, leur idole cherche du sens, et en trouve.
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