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Le Monde, 21.07.10 |
AFP |
Jonas Kaufmann, une voie toute tracée vers la Colline de
Bayreuth
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Le ténor allemand Jonas Kaufmann fera dimanche ses débuts au Festival de
Bayreuth (nord de la Bavière): une consécration très attendue par ses fans
et logique pour cet artiste de 41 ans dans lequel le monde lyrique voit l'un
des grands wagnériens de demain. Ce chanteur charismatique de 41 ans
apparaîtra sur la Colline verte dans le rôle-titre de "Lohengrin", un an
après ses débuts triomphaux dans la peau de ce Chevalier au cygne à Munich,
sa ville natale. Jonas Kaufmann a patiemment construit sa voix. Ses études
musicales munichoises et des master-classes avec deux grands wagnériens
(Hans Hotter et James King) l'ont amené à chanter à Saarbrücken en troupe et
dans d'autres théâtres lyriques allemands, dont ceux de Stuttgart et
Hambourg, avant d'être accueilli de Zurich et Vienne à New York en passant
par Milan et Paris. Cette formation solide, à l'ancienne, lui a permis
d'acquérir un répertoire dont l'auditeur a pu mesurer la diversité en 2008,
à l'écoute de son premier album sous étiquette Decca (Universal), constitué
d'airs romantiques allemands, italiens et français. "J'ai déjà chanté
peut-être 50 rôles différents, ça n'était pas facile de choisir!",
expliquait à l'AFP, à l'automne 2008, cet artiste affable et polyglotte.
Lequel affiche une parfaite maîtrise de la langue de Dante, fruit de
nombreux voyages en Italie durant son enfance, et fait mieux que se
débrouiller en français. L'attention au mot est permanente chez lui. "Un
ténor très connu m'a dit un jour qu'il mettait sur ses partitions des petits
visages - souriant, en pleurs... - pour savoir l'idée générale de ce qu'il
devait chanter. Ce n'est pas ma conception de l'interprétation d'un
personnage", confie Jonas Kaufmann. "L'opéra, ce n'est pas simplement du
beau chant, c'est donner du sens à un personnage en l'investissant d'une
émotion". Cette émotion passe déjà par la richesse d'un timbre sombre, comme
un soleil noir parfois recouvert d'un voile léger. Cette voix mûre, qui
s'appuie sur une technique solide et une musicalité de chaque instant,
tranche avec l'allure encore juvénile du chanteur. La présence scénique très
naturelle, l'intelligence de jeu ne sont pas les moindres atouts de Jonas
Kaufmann, ténébreux aux cheveux bouclés qui, en Werther (Massenet) à l'Opéra
Bastille début 2010, semblait tout droit sorti de l'esprit romantique de
Goethe. Un ténor lyrico-dramatique allemand de cette stature est forcément
attendu dans Wagner, où les grandes voix manquent, par ces temps de crise du
chant wagnérien. Mais là encore, Jonas Kaufmann voit les choses avec
prudence. Parsifal et Walther ("Les Maîtres Chanteurs") sont venus à lui en
2006. Siegmund ("La Walkyrie"), au Met de New York en 2011, suivra ses
Lohengrin. Mais le Bavarois prend garde aux emplois trop lourds. "Vous allez
devoir patienter un bon moment pour les Siegfried... et encore plus pour
Tristan et Tannhäuser !", confiait-il dans la notice de son album allemand
paru en 2009. En attendant, Jonas Kaufmann continue à varier les plaisirs,
d'une langue à l'autre ("Tosca" en italien à Munich récemment, "Fidelio" en
allemand à Lucerne en août), et de l'opéra au lied, où il s'est récemment
illustré au disque avec un art exceptionnel ("La Belle Meunière" de
Schubert). Pour lui, "la voix est comme une voiture. Une voiture n'aime pas
seulement rouler en ville et faire du +stop and go+, être à toute allure sur
autoroute (surtout en Allemagne!) ou serpenter sur les routes. Le mélange
est bon pour la voiture comme pour la voix". |
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