France Musique, 22 février 2021
 
Jonas Kaufmann : "Dans chaque crise, le peuple a eu besoin d'oublier et de rêver grâce à la culture"
 
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De retour à Bastille, le ténor Jonas Kaufmann incarne un rôle qu'il connait si bien, celui de Radamès dans la nouvelle production d'Aïda à l'Opéra de Paris, à voir actuellement sur Arte Concert. Le chanteur se confie sur cette année si particulière et sur le public qui lui manque tant...

Attendu à Paris en novembre dernier pour La Walkyrie avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Philippe Jordan mais aussi pour un récital au Théâtre des Champs-Elysées, c'est finalement pour cette nouvelle production d'Aïda que le ténor Jonas Kaufmann fait son grand retour dans la capitale.
Initialement prévue en mars avec du public, Aïda vient de faire l'objet d'une captation à voir sur Arte Concert jusqu'au 20 août 2021 et à écouter sur France Musique à partir du 27 février à 20h. Cette nouvelle production, signée Lotte de Beer, réunit un plateau vocal exemplaire: Jonas Kaufmann campe le rôle de Radamès, le baryton Ludovic Tézier celui d'Amonasro, la mezzo-soprano incarne Amneris et le rôle-titre est attribué à Sondra Radvanovsky.
Le ténor est habitué au rôle de Radamès qu'il a déjà interprété sur de nombreuses scènes et qu'il a gravé au disque. Pourtant c'est la première fois que le chanteur participe à une nouvelle production d'Aïda, n'ayant pu participer qu'à des reprises de cet opéra : "C'est enfin mon Radamès !" déclare Jonas Kaufmann.
Bien que ravi d'être de retour à l'Opéra de Paris, Jonas Kaufmann est accoutumé à se produire dans des spectacles donnés à huit clos, sans public : "Nous sommes privilégiés de faire encore des spectacles, de chanter ensemble et d’avoir un vrai orchestre dans la fosse C’est exotique en ce moment. Mais ce n’est pas facile de se convaincre d’être dans un vrai spectacle… Le public nous manque extrêmement" se désole le ténor.

"Le public a besoin de rêver grâce à la culture"
Au micro de Jean-Baptiste Urbain, Jonas Kaufmann revient sur cet arrêt brutal que subit depuis un an maintenant tout le secteur musical. "Ça devient de plus en plus difficile d'accepter que les théâtres, comme ici à Bastille (l'un des plus grands théâtres au monde !) soient plus dangereux qu'un magasin ou le métro" regrette le ténor. Il déplore plus largement le manque de considération des gouvernements européens pour la culture : "Les magasins et les avions sont importants pour l'économie alors que les théâtres, c'est tout le contraire" déclare Jonas Kaufmann. Pourtant, le chanteur voit en la culture et en particulier la musique, un remède pour aider le peuple à surmonter cette crise. Selon lui, la culture est l'un des trois piliers qui structure nos sociétés contemporaines, avec la langue et l'histoire. Or, pour le ténor, la culture est en train de s'écrouler.
C'est pourquoi Jonas Kaufmann avait rédigé une pétition dès le début de la crise sanitaire en avril dernier, aux côtés de son ami le baryton Ludovic Tézier, demandant aux gouvernements de l'Union européenne de soutenir l'art lyrique et les professionnels du spectacle vivant.
"Le théâtre est encore en vie, donc oui cela veut dire que nous avons été entendus" note le chanteur. Toutefois, il rappelle qu'il est important de ne pas crier victoire trop vite car "chaque jour qui passe avec cette crise qui perdure, ça devient de plus en plus difficile de continuer". Il alarme également sur la situation préoccupante de ses collègues musiciens et en particulier pour les jeunes générations qui se lancent : "Je connais beaucoup de musiciens qui s'arrêtent et qui changent de métier pour vivre".

Dans l’entretien que le ténor a accordé à France Musqiue, Jonas Kaufmann revient sur le disque de lieder qu’il a enregistré au début du premier confinement : Selige Stunde. Alors qu’il ne trouvait jamais le temps dans son planning millimétré d’enregistrer cette musique qu’il aime tant, la fermeture des théâtres lui aura au moins permis d’explorer davantage ce répertoire : "Cette musique, c’est une grande partie de mon cœur et de ma passion" s’enthousiasme Jonas Kaufmann.
Le programme de ce disque est très varié réunissant plus d’une dizaine de compositeurs différents, allant de Schubert jusqu’à Zemlinsky. Depuis sa sortie, le chanteur a pu interpréter ce programme sur scène en concert devant du public, comme à l’Opéra de Madrid en janvier dernier. Ce moment de retrouvaille très fort a beaucoup marqué le ténor : "Émotionnellement pour nous c’est difficile de ne pas devenir fou quand on revoit du public".
Enfin, le chanteur nous raconte s'adapter en permanence à la situation. Lui qui connaissait son planning pour les quatre années à venir, Jonas Kaufmann doit désormais faire face à de nombreux imprévus: "Je me tiens prêt à tout moment". Alors que les plannings des maisons lyriques changent très régulièrement à cause de la crise sanitaire, le chanteur prépare toutefois avec attention ses prochaines prises de rôles, comme pour Tristan et Isolde qu'il doit jouer en juin prochain à l'Opéra de Munich.

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