Classica, novembre 2014
par Alain Duault
JONAS KAUFMANN «Radio Days» von Berlin
 
Son nouveau récital « Du bist die Welt für mich » est un « Choc » de l'année. Le ténor phénomène s'explique : ce disque est l'écho des chansons de son enfance.
 
Vous publiez en cette rentrée un nouveau disque consacré à l'opérette viennoise et allemande : pourquoi aujourd'hui ce répertoire ?

Hormis Kalman avec "Grüss mir mein Wien" de Gräfin Mariza, les " opérettes viennoises " ne sont pas si nombreuses que cela sur ce disque. En fait, le thème original de cet album est Berlin dans les années 1925-1935 : une période riche en événements : début de la " renaissance " de Lehár (avec Richard Tauber dans le rôle-titre de Paganini), première mondiale du Pays du sourire, formidable succès d'opérettes novatrices telles Im Weissen Rössl ou Die Blume von Hawaii, et arrangement de morceaux d'opérettes classiques par Korngold pour Max Reinhardt. À cette époque, Berlin était également le centre de la musique de films : citons simplement les films sonores avec Joseph Schmidt et Jan Kiepura, les succès composés spécialement pour des ténors par Robert Stolz et Hans May. Cet album est donc un hommage aux compositeurs, librettistes et chanteurs d'une époque légendaire. La plupart d'entre eux figuraient sur la liste noire des nazis parce qu'ils étaient juifs ou, à l'instar de Robert Stolz, les détestaient. Par ailleurs, l'album ne se limite pas aux opérettes, on y trouve également des choses inédites ­ telles les charmantes chansons Im Traum hast du mir alles erlaubt de Robert Stolz ou Lied vom Leben des Schrenk qu'Eduard Künneke a composée pour Helge Rosvaenge et qui est très difficile à chanter : sur le plan vocal, cette chanson est l'un de mes plus gros défis de ces dernières années!

A quel public souhaitez-vous vous adresser ?

À tous ceux qui aiment écouter de la bonne musique et qui n'ont aucun préjugé contre la "musique légère" ou la musique de divertissement. Ces opérettes pourraient être taxées de "musique facile à écouter", mais elles ne sont certainement pas faciles à interpréter.Et les chansons sont de grande qualité, tant sur le plan de la musique que du texte.

Ces chansons et airs d'opérettes sont-ils liés à des souvenirs d'enfance ou d'adolescence ?

En partie, oui. Mon grand-père était étudiant à Berlin lors de la première de la plupart de ces opérettes, et ma grand-mère chantait ces chansons quand j'étais enfant. Puis j'ai écouté tous ces enregistrements célèbres, de Tauber à Wunderlich, et j'ai beaucoup aimé.

En dehors du plaisir fait au public, quel est le plaisir que vous prenez personnellement avec ce répertoire ?

Tout d'abord, le contexte historico-culturel. Les recherches que j'ai effectuées pour cet album ont été presque aussi fascinantes que l'interprétation de ces chansons. Et puis, la joie d'utiliser toute la palette de ma voix. Pour des chansons comme Diwanpüppchen d'Abrahams et Es muss was Wunderbares sein de Benatzkys, il faut une voix pop-song lyrique à la Peter Alexander ; pour les chansons de Puccini-Lehár, un lirico spinto s'impose; et pour la chanson Lied vom Leben des Schrenk, une véritable voix de Heldentenor est indispensable.

Ce disque est-il une " récréation " par rapport à vos grands rôles d'opéras (un peu comme des Liederabend) ?

Dans la mesure où ces chansons sont vraiment exigeantes sur le plan vocal, on ne peut guère parler de pause ou de " facilité ". Mais, bien entendu, après Le Voyage d'hiver et tous ces opéras tragiques, ces chansons sont une source de joie et de bonne humeur. Entre deux séances d'enregistrement, tous les visages étaient éclairés de larges sourires et il y avait toujours quelqu'un qui fredonnait ou chantait ces charmantes mélodies.

Peut-on espérer vous voir un jour chanter sur scène le Prince Danilo ou le Prince Sou-Chong ?

Je pense que oui. Ces deux rôles sont extrêmement enrichissants. Mais je chanterai d'abord Eisenstein dans La Chauve-Souris. Et de nombreux autres rôles d'opéras figurent sur la liste de mes envies.






 
 
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