Le Figaro
Propos recueillis par Thierry Hilleriteau (Figaroscope)
Jonas Kaufmann : «A l'opéra, il n'y a pas de petit personnage»
Opéra. Il est le jeune ténor allemand que le monde entier s'arrache. Possible héritier de Fritz Wunderlich, Jonas Kaufmann multiplie les rôles, passant de Wagner à Verdi avec une aisance rare. Après un premier récital parisien et un premier récital au disque (Romantic Arias, Decca) il est à l'affiche de la nouvelle production du Fidelio de Beethoven à l'Opéra de Paris, où il incarne Florestan.

Après l'opéra romantique italien, ne vous sentez-vous pas à l'étroit dans le rôle de Florestan ?

Jonas KAUFMANN. - C'est une partie plus difficile qu'il n'y paraît. Florestan entre en scène au deuxième acte et chante peu. Mais chacune de ses interventions est une telle merveille de délicatesse qu'elle réclame une attention de tous les instants.

Pas facile, en si peu de temps, de donner du relief au personnage.

C'est là toute la complexité du rôle. Pour ma part, je me demande toujours qui il est, ce qu'il a pu faire pour se retrouver en prison. Est-il vraiment une victime ? Deux airs nous mettent sur la voie : lorsqu'il chante « J'ai agi sous l'emprise du devoir » et, au premier acte, quand Pizzaro parle de Florestan comme d'un assassin. J'aime voir en lui ce côté sombre.

Vous semblez très soucieux de la psychologie des personnages.

Un opéra est une œuvre collective, il y a une profondeur à trouver dans chaque personnage. Prenez Des Grieux dans Manon, on dit toujours : « C'est un rôle très bien écrit mais sans grand intérêt scénique . » Je le trouve fascinant. Comme la plupart des rôles français, il offre des possibilités inouïes pour s'exprimer, du lyrisme du début à l'abandon de Saint-Sulpice.

Justement, sur votre disque, Massenet côtoie Puccini, Verdi, Wagner. Pourquoi cette diversité ?

Je ne crois pas à cette nouvelle conception du chant qui consiste à classifier les interprètes en les enfermant dans un style donné : romantique allemand, belcantiste, classique… La voix est comme une voiture : elle a besoin de rouler sur tous types de routes pour s'épanouir. C'est une idée neuve que de vouloir faire des voitures exclusivement pour la ville et d'autres exclusivement pour la campagne.

En récital, vous abordez Strauss et Britten. Curieux mélange…

Strauss est pour moi une évidence. Ayant travaillé avec Hans Hotter qui l'avait connu en personne, je suis familier de son univers. Je connais d'ailleurs un tas d'anecdotes sur sa musique : Morgen, par exemple, qui fut écrit après une violente dispute et dégage pourtant une surprenante paix intérieure. Et Britten, voyez-y ce que vous voulez, mais l'aborder un jour à l'Opéra… Pourquoi pas ?

Retrouvailles
Ce Fidelio n'est pas une première pour le ténor munichois, qui avait déjà endossé le rôle de Florestan à Zurich, sous la baguette de Nikolaus Harnoncourt. C'est cette fois-ci sous la direction de Sylvain Cambreling qu'il abordera l'œuvre. Les deux hommes s'étaient déjà croisés pour La Traviata, l'an passé à Bastille. Emblématique de l'ère Mortier, le chef français retrouve de son côté le metteur en scène hollandais Johann Simons : tous deux avaient monté en 2006 un Simon Boccanegra en demi-teinte, toujours à Bastille.
 






 
 
  www.jkaufmann.info back top