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ResMusica, 11 juillet 2021 |
par Dominique Adrian |
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Wagner: Tristan und Isolde, Bayerische Staatsoper ab 29.6.2021
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Tristan retrouve la scène à Munich
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Pour ce Tristan, ce n’est pas tant le
choix du metteur en scène, Krzysztof Warlikowski, qui justifiait les
attentes des spectateurs que le double début de Jonas Kaufmann et Anja
Harteros dans les deux rôles-titres.
Tristan, à Munich, c’est
naturellement une affaire importante, depuis la création de l’œuvre en 1865.
Depuis 1998, c’était la mise en scène de Peter Konwitschny qui était à
l’affiche, un spectacle fascinant dont un enregistrement vidéo garde
heureusement la trace. Pour son dernier festival à la tête de l’Opéra de
Munich, Nikolaus Bachler a souhaité frapper un grand coup avec cette
nouvelle mise en scène.
Le metteur en scène, lui aussi, est une star
qui voyage d’un bout à l’autre de l’Europe lyrique : après ses débuts
fracassants, Krzysztof Warlikowski s’est bien assagi, et son Tristan est de
la même veine que son Don Carlos pour l’Opéra de Paris, un travail soigné et
probe, mais destiné à remplir les besoins du répertoire. La direction
d’acteur est efficace, mais à mille lieues de la précision et de l’intensité
de celle de Patrice Chéreau à la Scala ; le duo du deuxième acte est
justement présenté comme un flot de paroles qui ne laisse pas de place à la
tendresse, mais Christoph Marthaler, entre autres, avait su pour son Tristan
de Bayreuth aller beaucoup plus loin dans la logique de cette logorrhée qui
met les corps à distance – et avec de discrètes touches d’humour qui
manquent ici complètement. Une vidéo parfaitement redondante vient doubler
cette non-action, et ni le beau décor peu exploité de Małgorzata Szczęśniak,
ni les créatures inhumaines du troisième acte ne suffisent à créer du
théâtre et du sens. Même âgée de 23 ans, la proposition de Peter Konwitschny
était bien plus vivante et pertinente que cette lisse surface brillante.
On aimerait décrire, face à ce spectacle élégant et vide, un triomphe de
la musique, mais les choses ne sont pas si simples. Un roi Marke
particulièrement terne (Mika Kares) est compensé par une Brangäne (Okka von
der Damerau) et un Kurwenal (Wolfgang Koch) de grand luxe ; mais ce n’est
pas pour eux que le public s’est déplacé.
Si cette soirée valait la
peine d’être vécue, c’est d’abord pour le Tristan de Jonas Kaufmann. Certes,
le manque de puissance fait tomber à plat quelques passages où
l’intelligence ne suffit pas, mais on n’avait jamais entendu tant de poésie,
tant de délicatesse expressive, tant d’émotion pure dans ce rôle. Le défi
est grand pour lui, c’est une évidence, et il est peu probable que l’exploit
se répète très souvent, mais les spectateurs qui l’ont entendu s’en
souviendront longtemps. Anja Harteros, elle, souffre audiblement en Isolde :
le troisième acte console avec une beauté sonore enfin retrouvée, mais les
imprécations du premier acte ne passent qu’en force, au détriment du texte
et du théâtre, et le duo du deuxième acte alterne entre ces deux pôles. On
sait combien Anja Harteros a apporté à l’Opéra de Munich, mais il faut bien
le dire, ce rôle n’est pas pour elle. Sans doute, à vrai dire, est-elle
beaucoup moins aidée par Kirill Petrenko que ne l’est Kaufmann, pour qui il
trouve des allègements précieux ; Harteros, elle, doit affronter l’orchestre
de Petrenko dans toute sa puissance volcanique, et c’est redoutable.
Il a formellement quitté la direction musicale de l’Opéra depuis près d’un
an, mais cette saison lui donnait encore le premier rôle. Pour cette
dernière nouvelle production d’un mandat débuté en 2013, Petrenko choisit
une perspective puissamment dramatique qui ne prend jamais le temps de
s’alanguir. La sensualité et l’ivresse sonore ne sont visiblement pas ses
priorités ; il y a une séduction immédiate dans ce flot musical qui avance
irrésistiblement, quitte à perturber nos habitudes d’écoute. Il y manque
tout de même quelque chose, un peu d’âme peut-être.
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